À la crèche :

Solène a deux ans et demi, elle est dans la section des grands à la crèche. Son auxiliaire référente explique à ses parents que les situations où Solène ne se fait pas comprendre sont régulières avec pour conséquence un agacement ou un désintérêt soudain de Solène pour les relations y compris avec ses petits copains. L’auxiliaire mentionne que Solène semble plus agressive ces derniers temps : elle peut même en venir à taper ou mordre les autres.
Marie, la maman de Solène ne comprend pas ce qui se passe puisque Solène a fait beaucoup de progrès pour parler, elle connaît de plus en plus de mots et parle beaucoup à la maison. Toutefois, Marie reconnaît tendre l’oreille pour comprendre sa fille. Solène est frustrée de ne pas être comprise : il y a un décalage entre sa pensée et son langage. Elle peut parfois se résigner et ne pas dire ce qu’elle voulait. Cette résignation peut conduire à des comportements d’opposition.

Le développement du langage : dès la naissance ?

L’acquisition du langage est complexe et commence plus tôt qu’on ne le pense. À sa naissance, le tout-petit perçoit les sons et entend les mots que les adultes lui adressent. Il commence par comprendre les mots avant de pouvoir les exprimer. Il reconnaît son prénom vers 4 mois et comprend son premier mot autour de 8 mois alors qu’il tentera d’en produire vers 12 mois seulement.
À la naissance, le bébé ne parle pas : il pleure, crie, émet des bruits, les fameux « areuh » et babille. Le babillage constitue sa première expression jusqu’aux premiers mots. Le cerveau du bébé est normalement immature et ne lui permet pas de contrôler son appareil vocal en agissant volontairement sur sa bouche, sa langue et ses cordes vocales nécessaires à l’articulation des sons et des mots. Le contrôle de sa bouche va progressivement s’affiner jusqu’à l’âge de cinq ans. Tous les sons de la langue vont être articulés et il pourra les enchaîner dans les mots.

Vers 18 mois :

Vers 18 mois, l’enfant traverse une période appelée « explosion lexicale », c’est un véritable boum du vocabulaire où l’enfant exprime un grand nombre de mots nouveaux et ce, chaque jour. En parallèle, sa capacité à articuler les sons n’est pas totalement en place ce qui donne parfois un langage déformé et peu compréhensible. L’acquisition des sons de la langue est progressive et certains sons comme le /ch/, le /j/ ou encore le son /r/ sont plus difficiles à produire que d’autres.
Par ailleurs, les sons s’influencent les uns les autres, l’enchaînement des sons à l’intérieur des phrases est plus laborieux.

Comment l’aider ?

L’enfant sera plus susceptible de transformer et de simplifier les mots dans une longue phrase. À l’inverse, il se débrouillera mieux sur un mot isolé. Il sera ainsi préférable de lui faire dire des mots isolés, plus simples à prononcer plutôt qu’une phrase longue et complexe. On n’entendra moins de déformations dans les mots.
Des stratégies comme celle-ci existent pour que l’enfant énonce plus clairement son message et ait plus de chances d’être compris. Une fois le message passé et la communication rétablie, il est recommandé de reformuler le mot ou la phrase de l’enfant en redonnant le bon modèle sans demander à l’enfant de le répéter. Cela le mettrait en situation d’échec et ne lui apporterait rien de constructif pour son langage ou son estime de lui. À noter qu’il est d’ailleurs fréquent que les mots nouvellement appris par l’enfant soient mieux prononcés que les anciens.
Quand Solène dit : « maman baon pombé ! », Marie reformule : « Oui le ballon est tombé ! » ce qui permet à Solène d’entendre et de s’appuyer sur le bon modèle.

D’autres stratégies :

Pour comprendre un enfant qui déforme les mots et a tendance à n‘être pas compris, vous pouvez :
-Poser des questions fermées où la réponse attendue est courte de type « tu veux parler du chien ? », « c’était quand ?», « tu veux quelque chose ? », « c’est où ? », « tu parles de quelqu’un ? »
-Lui demander de montrer ce qu’il/elle veut ou ce dont il/elle parle « Montre-moi ce que tu veux Solène »
-Vous mettre à sa hauteur, capter son regard et lui accorder votre pleine écoute ce qui diminuera son impuissance et son agacement. Il se sentira écouté et appréciera l’attention que vous lui accordez.
-Un dernier conseil, pour garder une communication authentique, soyez sincère et ne faites pas semblant de comprendre ce que votre enfant dit alors qu’il n’en est rien !

Points de vigilance :


-Les otites à répétition dans la petite enfance peuvent être un facteur qui empêche l’enfant de bien entendre. S’il n’entend pas bien, en retour, l’enfant ne pourra pas bien articuler alors que son cerveau est prêt à le faire ! Une consultation ORL est donc essentielle pour évaluer ses capacités d’audition.
-À noter également qu’un enfant souvent incompris lorsqu’il s’exprime, cherchera à se manifester autrement. Cela pourra passer par le corps, canal privilégié des enfants. L’agitation ou l’agressivité corporelles dont fait preuve Solène à la crèche peuvent être des signes de sa difficulté à communiquer et à être comprise par les autres.

Le développement langagier est différent selon les enfants y compris le développement de la prononciation des sons. Il dépend de la maturation du cerveau propre à chaque enfant. L’articulation des sons est en construction chez un enfant ayant déjà acquis un vocabulaire suffisant et un niveau de langage satisfaisant pour exprimer ses idées. Déformer les mots est donc normal lorsque l’enfant apprend à parler, cela doit cependant rester passager et ne doit pas entraîner de frustration majeure de la part de votre enfant. À trois ans, si votre enfant n’est pas compris par les autres lorsqu’il s’exprime et s’il utilise encore les gestes pour se faire comprendre, il est vivement recommandé de consulter un orthophoniste qui pourra vous aider, vous et votre enfant.