Benjamin, papa de Violette 4 ans et demi, s’interroge : chaque soir, j’ai la même réponse… À la question : « qu’as-tu fait à l’école ? », Violette répond toujours par une pirouette comme si elle ne se souvenait plus de ce qui s’était passé dans sa journée ou pire, qu’elle ne voulait pas m’en parler. Cela m’interroge. Elle oublie même ce qu’elle a mangé à la cantine alors qu’elle a une bonne mémoire, qu’elle parle bien, elle est même bavarde ! Alors pourquoi ? Je suis perdu face au comportement de ma fille. Dois-je consulter ? Comment interpréter cette absence de réponse au quotidien ?
« Que s’est-il passé à l’école aujourd’hui ? » ou encore « Raconte-moi ta journée ». Ce type de demande fait appel au récit, les enfants sont invités à raconter leur vie à l’école. Mais comment traversent-ils leurs journées ?
Il faut s’imaginer que les enfants vivent des milliards de situations durant une journée d’école. Chaque activité, interaction leur apporte de nombreuses stimulations et émotions. Toutes ces informations qui leur arrivent doivent être digérées et triées rapidement pour aborder les suivantes.
Un autre facteur en jeu est le rapport au temps des enfants, différent de celui des adultes. Les enfants vivent fort les événements aussi petits soient-ils et passent à autre chose, ils sont dans l’ici et maintenant. Cette intensité du présent est caractéristique de l’enfance, c’est la philosophie du Carpe Diem (profiter de l’instant présent) que les adultes ont tendance à perdre. Les enfants ont la capacité de passer du rire aux larmes en quelques secondes et sans difficulté !
Ce n’est que vers six ans que la notion du temps s’affine chez l’enfant : il connaît les jours de la semaine et les heures de la journée.
Leur cerveau est encore en développement et ne fonctionne pas à l’égal du nôtre. L’adulte peut se souvenir, remonter le temps et se projeter plusieurs semaines en arrière quand l’enfant aura du mal à se rappeler ses dernières vacances. La prise de recul et le résumé sont aux adultes ce que l’action et l’expérimentation sont aux enfants : ils vivent les choses à 100% !
Raconter sa journée d’école amène l’enfant à parler d’un passé proche mais d’un passé quand même. Sur un plan cognitif et langagier, parler de ce qui est présent est plus simple que de rapporter un fait passé demandant des capacités de représentation plus poussées. Vous remarquerez d’ailleurs qu’en présence du cahier de l’école montrant une photo du dernier anniversaire de classe, votre enfant aura plus de facilité à parler de ce qu’il a vécu et il pourra évoquer les événements de la classe.
Les événements de vie sont donc bien gravés dans la mémoire de votre enfant, il lui faudra simplement des indices pour les réactiver à sa conscience et les parler.
Ayez à l’esprit que les questions ouvertes du type « Qu’est-ce que » sont des questions larges et génériques qui n’aident pas les enfants à orienter leur discours.
Essayez des alternatives et n’hésitez pas à préciser vos demandes.
- Les repères temporels dans le vocabulaire aident l’enfant à se situer dans le temps :
« Que s’est-il passé ce matin, après le temps regroupement ? »
- Soyez attentif aux indices :
« Je vois une petite tâche de peinture sur ton pull, comment as-tu fait ça ? »
- Ou bien c’est mardi, jour de la venue de Katy, l’intervenante en musique, focalisez l’attention de votre enfant sur ce moment fort de la journée :
« Qu’avez-vous chanté dis-moi, toujours la chanson des crocodiles ? »
- Prenez le prétexte des relations avec les camarades pour demander :
« Avec qui as-tu joué dans la cour de récréation aujourd’hui ? »
- Sans même poser de questions, vous pouvez également raconter votre propre journée ce qui donnera envie à votre enfant d’en faire de même et puis : comme les enfants imitent leurs parents, il y a fort à parier pour qu’ils se prennent au jeu !
Enfin, gardez à l’esprit que raconter doit rimer avec plaisir : plaisir de partager un moment de vie et ne pas devenir une contrainte, évitez alors de vous montrer insistant lorsque votre enfant ne souhaite pas raconter sa journée d’école au risque de le braquer ou de tendre la situation, demain sera une autre occasion de raconter !
Cette question anodine du « Qu’as-tu fait à l’école ?» se révèle pourtant complexe par ce qu’elle implique comme réponse attendue par l’enfant qui a lui-même un fonctionnement cognitif et un rapport au temps particuliers, différents des adultes que nous sommes.
Votre enfant réagit donc normalement et il n’est pas indiqué de consulter un orthophoniste.