Perdre la capacité à identifier des visages connus peut être un signe de prosopagnosie, un trouble fréquent dans certaines maladies neuroévolutives.

« Je suis allé chercher mon pain et une ancienne collègue m’a dit bonjour. Je l’ai regardée sans savoir qui elle était. Je connais cette personne depuis des années. C’est comme si mon cerveau refusait de faire le lien. » (Paul, 72 ans)
« Quand mon mari ne reconnaît pas un voisin, il s’excuse. Il reconnaît toujours notre famille, mais il dit se sentir perdu face aux autres. » (Marie, épouse d’un patient atteint d’une maladie d’Alzheimer)

La reconnaissance des visages

Reconnaître un visage semble naturel. Pourtant, certaines personnes ne parviennent plus à mettre un nom sur des visages pourtant familiers. Ce trouble, appelé prosopagnosie, est déroutant. Il peut concerner des patients atteints de maladies neuroévolutives comme la maladie d’Alzheimer à présentation visuelle (qui est la cause la plus fréquente d’un syndrome d’atrophie corticale postérieure) ou encore d’autres maladies neurologiques.
Au début, les proches sont reconnus. Ce sont surtout les gens que l’on croise plus rarement, comme d’anciens collègues ou certains voisins, qui deviennent difficiles à identifier.

La prosopagnosie

C’est une difficulté neurologique spécifique : le cerveau voit le visage, mais il n’arrive pas à l’identifier. Ce n’est pas un problème de vue. Le trouble s’explique par l’atteinte d’un réseau de régions cérébrales impliquant notamment le gyrus fusiforme et les régions temporales antérieures. Ces réseaux de neurones assurent ensemble le lien entre la perception du visage et l’identité de la personne correspondante. Quand ce circuit est altéré, le cerveau perd alors sa capacité à associer un visage à une identité connue.

La prosopagnosie peut être acquise à la suite d’un accident vasculaire cérébral ou d’un traumatisme, mais chez l’adulte plus âgé, elle est le plus souvent liée à des maladies neuroévolutives. Cependant, même lorsque l’identité n’est plus reconnue, certaines personnes peuvent encore ressentir une impression affective : elles ne savent plus qui est la personne, mais peuvent éprouver qu’elles se sentent bien (ou pas) en sa présence — parfois même tard dans l’évolution de la maladie.

Le parcours de soin

Quand ces signes apparaissent, il est important d’en parler rapidement au médecin traitant. Celui-ci peut orienter vers un neurologue qui peut prescrire des examens d’imagerie cérébrale et/ou un bilan orthophonique.
Le bilan permet de comprendre la nature de la difficulté et de vérifier si d’autres troubles cognitifs sont présents.
L’orthophoniste explique ce qu’est la prosopagnosie et rassure le patient et sa famille. Il montre que le trouble est neurologique, qu’il ne s’agit pas d’un manque d’attention ni d’un désintérêt pour autrui.

Solutions à la maison

Certaines stratégies peuvent être mises en place pour mieux vivre avec la prosopagnosie :

Que faire au quotidien ?Côté patientCôté aidant
Importance de la voixSe fier à la voix :
inciter la personne à parler pour l’identifier.
«Bonjour, vous allez bien ? »
Faire parler l’interlocuteur :
lancer la conversation pour aider à la reconnaissance.
Utilisation du contexteUtiliser le contexte :
Essayer de déduire qui est présent selon le lieu ou l’activité.
(On est dans la salle de rééducation, donc c’est mon kiné qui arrive.)
Replacer dans le contexte :
• poser des questions stratégiques, en glissant des indices sur l’identité (notamment sur la profession ou ancienne profession, une connaissance souvent préservée longtemps)
• en nommant la personne dans la conversation :
« Bonjour Béatrice, comment ça va à la boulangerie en ce moment ? »
« Monsieur le facteur, comment allez-vous ?» (même si la personne n’est plus en activité)
« Bonjour cher voisin ».
Rechercher les détailsObserver les détails :
prêter attention aux vêtements, à la coiffure ou aux accessoires (des lunettes originales par exemple).
Mettre en valeur un repère :
signaler un détail distinctif
« Regarde, c’est ta sœur avec son manteau rouge ».
InformerPrévenir l’entourage :
expliquer son trouble pour éviter les malentendus.
« Excusez-moi, j’ai des difficultés à reconnaître les visages à cause d’un trouble neurologique. »
« Excusez-moi, j’ai du mal à reconnaitre les visages, même familiers, c’est lié à un trouble de la mémoire visuelle. »
« Excusez-moi, j’ai un trouble qui m’empêche parfois de reconnaître les visages. »
Informer et sensibiliser :
expliquer aux proches que l’absence de reconnaissance n’est pas un oubli volontaire.

Rôle de l’orthophoniste

L’orthophoniste accompagne les patients et leurs proches dans la mise en place de ces stratégies. Il aide à trouver des indices fiables pour identifier les personnes. Il soutient aussi la communication dans le couple et la famille. Son rôle est de maintenir le lien social et de préserver la qualité de vie. Si besoin, il propose des exercices pour renforcer d’autres capacités cognitives.
Il rappelle enfin que la prosopagnosie n’est pas une fatalité. Même si la difficulté persiste, il peut exister des moyens de compenser.

La prosopagnosie est un trouble souvent méconnu. Elle débute parfois de façon discrète, par la difficulté à reconnaître des personnes rencontrées au quotidien. Elle est liée à certaines maladies neuroévolutives. En parler tôt avec un médecin permet d’obtenir une évaluation adaptée. L’orthophoniste joue un rôle clé pour expliquer, accompagner et proposer des stratégies simples. Ces solutions permettent de limiter la gêne et de préserver les liens sociaux et familiaux, malgré l’évolution de la maladie