« Roh ! J’ai le mot sur le bout de la langue. » « Tu sais, la fille du médecin, comment elle s’appelle déjà ? » « Tu n’aurais pas vu les… les… tu sais, les trucs pour découper ? » En vieillissant, la peur de la maladie d’Alzheimer grandit. Un rendez-vous manqué, un mot coincé au fond de la gorge… le moindre oubli devient source d’anxiété. Et si ?

Bien sûr, la maladie d’Alzheimer existe et le nombre de patients augmente chaque année. Malgré ce fait, toute personne se plaignant de sa mémoire (50 % des plus de 50 ans !) n’est pas forcément concernée par cette maladie. Une diminution de la capacité à se souvenir peut être due à d’autres facteurs : dépression, surcharge mentale ou trouble du sommeil par exemple.

Quand et qui consulter ?

Si la gêne causée par les oublis rend le quotidien difficile (par exemple : se perdre dans des lieux familiers, oublier régulièrement des rendez-vous, oublier régulièrement des tâches commencées…), il semble important de consulter un médecin généraliste. Celui-ci pourra vous rediriger vers un neurologue et une équipe de consultation mémoire, habilités à réaliser les examens nécessaires au diagnostic. Dans ce cas-là, il sera important de rapporter aux différents professionnels de santé certains éléments de votre histoire médicale, par exemple : antécédent de maladie d’Alzheimer dans la famille, antécédents personnels de maladies cardio-vasculaires.

La maladie d’Alzheimer : une maladie qui touche uniquement la mémoire ?

Non. Même si le trouble mnésique reste le symptôme majeur, d’autres déficits peuvent apparaître dès le début de la maladie. Parmi ces déficits, le trouble de la communication (verbale et non verbale) peut considérablement altérer la qualité de vie du malade et de sa famille, d’autant qu’il entraîne parfois des troubles du comportement.

Comment se manifestent les troubles de la communication chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ?

Comme le reste des fonctions altérées dans la maladie d’Alzheimer, la détérioration des capacités de communication est progressive. Au début, le malade cherche ses mots, prend un mot pour un autre, utilise un vocabulaire de moins en moins précis. Son discours paraît plus haché, avec des pauses et des difficultés à enchaîner les idées. Au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, le trouble communicationnel va s’accentuer, avec des difficultés pour le patient à exprimer ses besoins et ses idées de façon claire. Il aura tendance à répéter certains mots, ou à en introduire certains sans lien apparent avec le thème de la discussion. Initier, maintenir et conclure un sujet de conversation devient impossible, même si la personne continue de respecter le « chacun son tour ». Les phrases se simplifient à l’extrême, l’implicite (ce qui n’est pas dit explicitement) n’est plus compris et le patient demande souvent à son interlocuteur de clarifier ses propos. Dans les derniers stades de la maladie, parler et comprendre les autres devient de plus en plus difficile, pouvant aller jusqu’à ne plus être capable de parler du tout (mutisme).

Il est important de prendre en compte le langage non verbal (exemple : postures, gestes avec les mains, expressions du visage, intonations). Avec l’évolution de la maladie, le patient s’appuierait de plus en plus sur des indices non verbaux pour compenser la dégradation de son langage verbal (pour parler et pour comprendre). Les expressions faciales, et notamment le regard, ainsi que les intonations seraient des outils précieux et fonctionnels pour exprimer leurs émotions jusque tard dans la maladie. De même, les gestes avec les mains ne cesseraient jamais d’être utilisés par les patients, même si leur réalisation devient de plus en plus confuse (particulièrement pour les gestes nécessitant les deux mains).

Comment aider un proche atteint de la maladie d’Alzheimer à communiquer le plus longtemps possible ?

Un bilan orthophonique permet tout d’abord de voir ce qui fonctionne encore bien, et ce qui ne fonctionne plus, dans la communication du patient. Grâce à cette synthèse, l’orthophoniste réfléchira à des stratégies à mettre en place à la maison. Pour atteindre cet objectif, il pourra agir de deux façons complémentaires : 1) proposer des séances orthophoniques (individuelles ou de groupe) au patient ; 2) proposer un accompagnement à l’entourage pour réfléchir ensemble à des adaptations de l’environnement propice à la communication.

Il ne faut jamais perdre de vue que la maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative, c’est-à-dire dont les symptômes empirent avec le temps. Il ne s’agit alors pas de rétablir les compétences du patient, mais bien de s’adapter à lui pour faire émerger les meilleures conditions pour aider à sa communication.

Chaque patient est unique et ses difficultés aussi. Il n’existe donc pas de recette miracle à appliquer « bêtement », mais heureusement, quelques petits conseils restent quand même toujours vrais.

Première (et primordiale !) recommandation : n’arrêtez JAMAIS de communiquer avec le patient. Rappelez-vous que même s’il oublie certains mots, que ses phrases paraissent parfois insensées, que son discours est haché, son désir de s’exprimer est toujours présent. Continuer de lui parler, c’est le considérer comme un être humain, c’est lui rendre de sa dignité, c’est aussi le stimuler et réduire le risque de trouble du comportement.

Deuxième recommandation : dites son prénom avant de lui parler. Cela attirera et éveillera son attention sur ce que vous allez lui dire. Cela le renverra également à son identité en tant qu’être humain, avec des pensées, des besoins, des envies et des émotions. Evitez à tout prix le « on » qui est infantilisant et qui ne désigne personne (exemple : « on a bien dormi ? » au lieu de « Robert, tu as bien dormi ? »).

Troisième recommandation : simplifiez votre discours pour faciliter sa compréhension. Faites des phrases courtes, donnez une seule information à la fois. Rappelez-vous que ses capacités de compréhension, comme ses capacités de mémoire, s’altèrent avec le temps. De même, restez persuadé que ce qu’il essaie de vous dire à un sens pour lui. Lorsque son discours est confus ou incohérent, essayez de reformuler simplement ou de lui proposer un sens qui vous paraît plus cohérent (ex : le patient appelle sa maman, vous pouvez essayer de lui répondre « Tu penses à ta maman aujourd’hui? Tu voudrais lui parler de quoi ? Quels souvenirs as-tu de ta maman ?»).

Quatrième recommandation : utilisez la communication non verbale (intonations, gestes manuels, expressions faciales). Rappelez-vous que communiquer n’est pas seulement parler, et que le patient reste sensible très longtemps au langage corporel, non verbal. Placez-vous à sa hauteur, regardez-le, appuyez vos intonations, forcez un peu les mimiques, faites des gestes simples et précis. Réciproquement, fiez-vous aux informations non verbales qu’il vous donne. Si vous n’êtes pas sûrs de la signification, n’hésitez pas à reformuler avec des mots simples ce que vous pensez avoir compris.

Cinquième recommandation : faites en sorte qu’il conserve, dans la mesure du possible, des liens sociaux et une activité physique. Rappelez-vous que la maladie d’Alzheimer touche le cerveau. Ainsi, tout ce qui le stimule favorisera le maintien des capacités cognitives en général. Par activité sportive, précisons qu’il s’agit de faire des sports qui favorisent l’oxygénation du cerveau (dits « aérobies »), dont la marche fait partie, sont les plus indiqués dans le maintien des fonctions mentales.

La dernière (mais pas la moindre !) recommandation : pensez à vous. Assister à l’amenuisement des capacités d’un proche, sans pouvoir le secourir, est une épreuve particulièrement difficile. Vous n’avez pas à culpabiliser : ni pour cette maladie qui avance sans que vous ne puissiez la stopper, ni de perdre parfois patience, ni pour refuser ce qui arrive à votre proche. Rappelez-vous que pour l’aider au mieux, il est important que vous acceptiez de vous faire aider vous-même. Ne refusez pas l’aide d’un membre de votre entourage. N’hésitez pas à inscrire votre proche dans un hôpital de jour : il y effectuera des activités stimulantes, et vous pourrez prendre ce temps pour vous. De même, n’ayez pas peur de contacter un psychologue si vous en ressentez le besoin. 

En conclusion

Il n’existe pas encore de traitement qui stoppe la maladie d’Alzheimer, mais nous avons à notre disposition des outils qui aident à ralentir son avancée et qui accompagnent les familles. Les troubles de la communication (verbale et non verbale) comptent parmi les premiers symptômes. En adaptant vos échanges avec votre proche malade, vous pourrez l’aider à maintenir ses capacités de communication le plus longtemps possible :

  • continuez à lui parler ;
  • utilisez son prénom ;
  • simplifiez vos phrases et votre vocabulaire ;
  • utilisez la communication non verbale ;
  • aidez-le à conserver des liens sociaux et une activité physique ;
  • prenez soin de vous-même.