Quelques semaines après la rentrée des classes, Valérie a été appelée par l’enseignante de son fils scolarisé en CE2. « Nathan écrit mal, il est illisible. J’ai du mal à corriger ses cahiers. Il faudrait faire un bilan pour vérifier s’il n’est pas dysgraphique. »

Qu’est-ce que la dysgraphie ?

La dysgraphie est un trouble fonctionnel : l’écriture ne peut pas remplir sa fonction de communication. En effet, le premier rôle de l’écriture est de pouvoir véhiculer un message d’une personne à l’autre.

On ne peut pas parler de dysgraphie avant au moins un an d’apprentissage de l’écriture et le diagnostic est posé par un professionnel de santé. Un enfant de CP, par exemple, n’aura pas de diagnostic de dysgraphie (même si ses productions évoquent ce trouble) car il est encore en pleine découverte de l’écriture.

Comme toute compétence complexe, l’écriture met du temps à s’acquérir. Certains enfants vont s’y mettre plus doucement que les autres et parfois prendre un peu de retard. D’autres vont présenter un réel décalage par rapport à ce qui est attendu à leur âge.

Les statistiques montrent qu’il y a trois fois plus de dysgraphiques chez les garçons que chez les filles.

Quels sont les signes de la dysgraphie ?

Il existe plusieurs symptômes en lien avec la dysgraphie. Le plus courant est l’irrégularité du tracé, le rendant parfois peu lisible. Les lettres sont mal formées, leur taille n’est pas calibrée, elles sont raturées ou se chevauchent. Cela empêche de bien lire le message. Dans le cas de Nathan, l’enseignante ne peut même pas évaluer l’orthographe, c’est trop illisible, on ne reconnaît pas le « a » du « o », le « n » du « m ». Parfois, la personne dysgraphique montre une grande lenteur, une fatigabilité, quelquefois aussi des douleurs lorsqu’elle écrit, ce qui rend la tâche d’écriture désagréable et longue. Il arrive que les exercices ne soient pas finis uniquement parce que la charge d’écriture est trop importante.

À quoi est due la dysgraphie ?

Écrire demande un certain nombre de compétences : c’est un acte de langage mais aussi un acte moteur qui nécessite de bonnes capacités de coordination. Écrire fait aussi appel à la mémoire et à l’attention. 

La dysgraphie peut donc provenir de difficultés motrices, de troubles de la coordination, d’un problème de langage, de troubles cognitifs (mémoire, attention) ou d’une fragilité psycho-affective.

Les difficultés motrices : pour écrire on utilise le corps tout entier, qui doit bouger selon un code précis. La main tient le crayon, le bras soutient et guide la main, le poignet doit être souple, le corps a besoin d’une position adaptée.

Les troubles de la coordination : quand on trace des lettres, on coordonne l’œil et la main, les gestes doivent être enchaînés de façon fluide. Les gestes doivent être automatisés pour ne plus avoir à réfléchir à leur organisation.

Le langage : écrire est un acte de langage. En cas de troubles du langage écrit surajoutés comme ce qu’on appelle la dysorthographie (trouble durable de l’orthographe), cela crée une surcharge de travail pour le cerveau ; ce surplus va parfois entraîner des difficultés dans la formation et l’enchaînement des lettres. C’est comme si on donnait une trop longue liste de tâches à effectuer simultanément à quelqu’un. Il y a de quoi s’y perdre.

Pour écrire, on mobilise la mémoire de travail : c’est la mémoire qui permet de stocker et de manipuler une information. L’attention doit aussi être stable, afin de réaliser la tâche jusqu’au bout. Des difficultés dans ces deux domaines peuvent, au moins en partie, expliquer ou augmenter les troubles du graphisme.

Et l’aspect psycho-affectif ? L’apprentissage de l’écriture, comme toute initiation, demande une disponibilité totale. Si l’enfant est préoccupé par quelque chose qui le rend anxieux, par exemple, par des soucis qui l’attristent de façon durable, il ne peut pas s’investir pleinement dans la tâche complexe qu’est l’écriture. Écrire suppose d’être en confiance pour laisser une trace que l’autre va lire. Cela nécessite aussi d’accepter certaines règles qui peuvent paraître contraignantes. Un enfant trop inhibé ou ayant du mal à respecter le cadre peut se trouver en difficulté avec le geste graphique attendu.

Comment savoir si Nathan est dysgraphique ?

Dans un premier temps, Valérie va pouvoir observer son fils à la maison. Dans la vie quotidienne, Nathan éprouve-t-il des difficultés à effectuer certains gestes ou certaines actions ?

Avant de savoir écrire, le jeune enfant utilise son corps de bien d’autres façons, en apprenant des gestes de plus en plus fins et coordonnés. Si ces compétences ne sont pas encore acquises, on comprend que l’écriture soit compliquée. 

Nathan est-il à l’aise pour marcher, courir, sauter, nager, boutonner un vêtement, faire ses lacets, remonter une fermeture éclair, visser, mélanger la pâte d’un gâteau,  peindre, enfiler des perles, se coiffer seul, se brosser les dents, tenir sa fourchette, couper sa viande ? Est-il souvent maladroit ou lent pour effectuer ces tâches ? De nombreuses activités de la vie quotidienne nécessitent de bonnes compétences motrices et de coordination, utiles également lors de l’écriture. 

Nathan apprécie-t-il le dessin et le coloriage, qui vont servir d’entraînements à l’écriture ? Dessiner et colorier, c’est apprendre à gérer l’espace, à accéder au symbolisme, à faire des gestes précis dans le but de laisser une trace. Tout ce qu’on retrouve dans l’écriture.

Nathan est-il à l’aise pour lire ou orthographier des textes adaptés à son âge ? 

Présente-t-il une grande anxiété qui peut gêner ses apprentissages ou des troubles de la concentration ?

Forte de ces indications, Valérie doit demander un rendez-vous à un professionnel de santé,  afin de poser un diagnostic et d’apporter une aide à Nathan.

Oui, mais à qui s’adresser ?

Les troubles du graphisme font partie du décret de compétence de trois professions : les orthophonistes, les psychomotriciens et les ergothérapeutes. En fonction des autres difficultés constatées par Valérie, elle pourra prendre rendez-vous avec l’un de ces professionnels, après avoir demandé une ordonnance à son médecin traitant.

Le premier rendez-vous est celui qu’on appelle le bilan. Pour cette première rencontre, le professionnel de santé pose des questions sur le développement de l’enfant depuis la plus tendre enfance.

Des tests sont ensuite proposés, ils permettent d’évaluer la qualité et la rapidité de l’écriture, en fonction de l’âge de l’enfant. Selon le professionnel consulté, les explorations vont s’étendre à d’autres champs de compétences comme la motricité et les coordinations pour les psychomotriciens et les ergothérapeutes, le langage oral et le langage écrit pour les orthophonistes.

La découverte du développement de l’enfant, de ses difficultés actuelles et de son profil global vont permettre de poser ou non le diagnostic de dysgraphie, qui dépend bien sûr aussi du résultat des tests. Au besoin, le professionnel demande des examens complémentaires comme par exemple un bilan ophtalmologique ou orthoptique.

Et après ?

En fonction des conclusions du bilan, une rééducation peut être proposée.

En général, s’il y a des troubles du langage (à l’oral, en lecture, en orthographe), l’orthophoniste est en première ligne pour commencer la remédiation. Dans le cas où la motricité, la coordination ou le développement psycho-affectif demandent un accompagnement, le psychomotricien peut proposer un suivi qui permettra un travail corporel global. Enfin, il arrive que l’enfant ait besoin d’aménagements voire d’un outil informatique pour pallier ses difficultés. Dans ce cas, utiliser le traitement de texte et la dictée vocale s’apprennent auprès d’un ergothérapeute. Ces aménagements peuvent être utilisés à l’école en cas de dysgraphie avérée, en concertation avec l’équipe enseignante. Du matériel spécifique peut être proposé au quotidien pour alléger sa charge graphique et l’aider à mieux écrire.

Nathan souffre d’un trouble de l’écriture, il est peut-être dysgraphique. Valérie va contacter un professionnel de santé pour faire un bilan et comprendre comment l’aider. Il peut s’agir d’un simple retard, d’un trouble durable ou de la conséquence de difficultés motrices, de coordination, de langage.

On sait que 5 à 20% des enfants sont dysgraphiques. C’est un trouble durable, qui nécessite un suivi paramédical et parfois des aménagements. D’autres sont simplement peu à l’aise avec l’écriture et la remédiation sera plus rapide. N’hésitez pas à en parler avec le médecin généraliste ou le pédiatre de votre enfant.