Qu’est-ce que la microdélétion 22Q11 ?

Les syndromes liés à l’anomalie du chromosome 22 sont la plupart du temps d’apparition nouvelle dans la famille. Cependant, dans 20 % des cas l’un des parents est lui-même concerné. C’est une maladie rare puisque environ une naissance sur 5000 est touchée. On parle de « syndrome » car le patient présente une séquence de Pierre Robin associée à d’autres troubles.
Les conséquences possibles sont particulièrement nombreuses et variées :

  • malformations cardiaques (2/3 des cas) pour certaines très sévères
  • malformations du palais (75 % des cas) comme les fentes
  • malformations de la sphère ORL
  • troubles alimentaires
  • troubles immunitaires

En grandissant, le patient pourra présenter des troubles de la parole et du langage, des apprentissages et du comportement.

Les enfants nés avec une microdélétion 22Q11 présentent aussi généralement des traits du visage particuliers. Ils ont des traits communs qui les font parfois plus ressembler aux autres patients qu’à leurs frères et sœurs. C’est ce qu’on appelle un « phénotype » particulier.

Quand faut-il se poser la question d’un tel diagnostic ?

Il s’agit d’un diagnostic médical et génétique. Pour certaines formes, la microdélétion 22Q11 est vite repérée en raison d’une malformation cardiaque sévère, de la présence d’une fente palatine ou d’un déficit immunitaire. Cependant, le syndrome est encore trop souvent sous diagnostiqué ou tardivement, à savoir :

  • 1/3 à la naissance
  • 1/3 avant 6 ans
  • 1/3 plus tard

Le diagnostic prénatal est possible lorsqu’il existe des antécédents familiaux.

Pour les autres cas, lorsque les jeunes enfants présenteront un retard de développement (troubles alimentaires, retard à la marche, développement tardif et difficile de la parole et du langage, des apprentissages et des troubles comportementaux) le dépistage se fera au cours des suivis.

L’alimentation perturbée

Pour les nourrissons diagnostiqués avant ou à la naissance, tout commence avec un suivi cardiaque et pédiatrique. Les parents seront en relation avec un centre SPRATON (centre pour les syndromes de Pierre Robin et des troubles de succion-déglutition) et Maface (centre pour les fentes et malformation faciales).

Les troubles alimentaires sont fréquents : succion et déglutition peuvent être perturbées avec la fente du palais (fente palatine) ou un voile du palais qui fonctionne mal (incompétence vélaire). Pour téter, il faut pouvoir faire le vide d’air dans la bouche et aspirer. Cet acte est très perturbé en cas de fente du voile du palais ou du palais et du voile.
Cependant, ces difficultés peuvent exister également en l’absence de fente visible à l‘œil nu. Il existe des fentes masquées (fentes sous-muqueuses).
Les parents pourront observer plusieurs signes évoquant ce dysfonctionnement :

  • un allaitement impossible
  • un manque de tonus des lèvres et des joues
  • des passages de lait par le nez
  • des biberons très longs à prendre
  • un reflux gastro-oesophagien douloureux

Les fausses routes sont très rares mais certains bébés nécessiteront d’être nourris avec une sonde naso-gastrique ou une gastrostomie pendant quelques semaines, des mois ou plus.

L’orthophoniste accompagne les familles dès les premières semaines de vie en expliquant et encourageant la succion du bébé puis sa diversification alimentaire. Formé à la prise en charge des troubles alimentaires, l’orthophoniste saura conseiller aussi les bons gestes, matériels et postures qui facilitent l’alimentation.

En raison de la séquence de Pierre Robin, la langue peut également être très reculée dans la bouche (cavité buccale) et créer des troubles de la respiration (ventilation). Ainsi, les parents seront attentifs à la respiration de leur bébé pendant le sommeil pour éliminer tout risque d’apnées du sommeil. Le bébé fait-il du bruit quand il dort ? Ronfle-t-il ? Bloque-t-il sa respiration ?

Les muscles du voile servent également à aérer l’oreille. Leur dysfonctionnement entraîne donc aussi des otites séro-muqueuses. Elles ne sont pas toujours évidentes à repérer car elles ne font pas souffrir le bébé et ne donnent pas de fièvre. Or, l’accumulation d’eau derrière le tympan va réduire la qualité de l’audition et donc le développement du langage.

Une acquisition de la parole retardée et altérée

La marche n’est pas le seul apprentissage qui sera retardé. Le développement du langage sera décalé et la clarté de l’articulation (l’intelligibilité) des enfants pourra être très altérée ou compromise. Les troubles auditifs sont fréquents, un dépistage précoce est indispensable.

Selon l’équipe chirurgicale, si l’enfant présence une fente palatine, elle sera refermée en une ou deux fois. Dans certains cas, les enfants peuvent être opérés à nouveau si des difficultés articulatoires persistent malgré un suivi orthophonique. Même en l’absence de fente, les enfants nés avec une microdélétion 22Q11 peuvent avoir une incapacité totale à prononcer des consonnes à part les sons «M/ N/GN». Cette incapacité est liée au fonctionnement des muscles du voile du palais : c’est l’insuffisance vélo-pharyngée. La conséquence est une voix très nasonnée : l’enfant parle avec le nez. Les enfants qui présentent une insuffisance vélo-pharyngée sévère nécessiteront une chirurgie.

Les muscles du voile du palais servent aussi dans l’audition. Un suivi ORL est indispensable pendant toute l’enfance et l’adolescence. A noter qu’une chirurgie des amygdales (l’amygdalectomie) n’est pas recommandée, sauf si elle est indiquée par un centre d’expertise. Il est donc capital de demander cet avis au centre. Ce diagnostic et les chirurgies nécessitant une solide expertise, comme pour le suivi SPRATON, il est important de s’orienter au plus tôt vers un centre MAFACE (Fentes et malformations faciales). Les deux types de centres travaillent ensemble dans l’intérêt des patients.

Le développement de la parole et du langage sera décalé : le babillage et premiers mots seront plus tardifs. L’enfant aura des difficultés à se faire comprendre. Souvent, l’enfant a besoin d’un suivi orthophonique pour l’expression dès la première année de maternelle, voire plus tôt. Ainsi, 50% seront sans langage à 24 mois et 95% présenteront un retard de développement de la parole et du langage à 4 ans. L’enfant sera difficilement compréhensible (intelligible) en dehors du cercle familial.

Certains enfants présenteront un retard intellectuel. 80% des enfants qui présentent un syndrome de microdélétion 22Q11 ont un déficit intellectuel léger à modéré. Ici, le rôle de l’orthophoniste est encore une fois essentiel et doit être le plus précoce possible.

En grandissant, des troubles du comportement associés à ceux des apprentissages

Dans presque tous les cas, on observe des difficultés d’apprentissages et un retard de développement. Le retard est repérable sur le versant expressif de la parole et du langage et sur le déficit de compréhension du langage oral. Chaque nouvel apprentissage est coûteux : parole, lecture, écriture, mathématiques. Les difficultés logico-mathématiques sont généralement massives. Tous ces troubles relèvent de l’orthophonie. Ils peuvent être majorés par une hyperactivité et des troubles attentionnels. Les enfants sont accompagnés par des séances de psychomotricité et d’ergothérapie.
Le devenir scolaire d’un enfant né avec une microdélétion 22Q11 est variable : 1/3 ira en classes spécialisées et 2/3 poursuivra un cursus classique mais 100% d’entre eux auront eu besoin plus ou moins longtemps d’un AVS (auxilliaire de vie scolaire), aujourd’hui appelé AESH.
Quelle que soit la sévérité de l’expression du syndrome, le suivi des enfants se fera jusqu’à l’âge adulte et sera de nature pluridisciplinaire. Il implique des évaluations : pédiatriques, chirurgicales, ORL, orthodontiques et orthophoniques annuelles. Selon l’enfant, d’autres suivis sont possibles à l’hôpital ou à proximité du domicile.

Enfin, il existe des aides matérielles pour rester auprès de son enfant si celui-ci le nécessite, mais aussi plus tard, en cas de troubles développementaux. Ces informations sont communiquées aux parents par les centres et ses équipes.

Et à l’âge adulte ?

En grandissant certains symptômes peuvent largement diminuer, notamment au niveau immunitaire. Une surveillance régulière du calcium, de la fonction thyroïdienne et de la numération des cellules sanguines est recommandée. D’autres symptômes peuvent apparaître et se majorer, notamment les troubles psychiatriques (fréquence de l’anxiété, dépression, schizophrénie).
Ils sont aussi liés à une difficulté souvent rencontrée par les patients : le déficit de la cognition sociale. Les enfants et les adultes ont en effet du mal à interpréter les émotions des autres et à s’ajuster à eux, que se soit lors de leur scolarisation ou plus tard dans la vie professionnelle. Ajouté aux troubles attentionnels, c’est la raison d’une insertion sociale parfois compliquée.
Les parents soulignent aussi que les troubles du raisonnement et de la logique constituent aussi des freins à l’autonomie dans la gestion de la vie quotidienne (faire ses courses, calculer, gérer son courrier et les démarches administratives).

Les associations

Il existe plusieurs associations de parents d’enfants nés avec un Syndrome de Pierre Robin (SPR) isolé ou syndromique. Elles sont mentionnées sur les sites de SPRATON et MAFACE mais on peut notamment citer l’association Tremplin qui regroupe l’ensemble des SPR. On recommandera surtout Génération 22 qui bénéficie d’un réseau national particulièrement dynamique et favorise la connaissance des troubles liés à la microdélétion 22Q11, du nourrisson à l’âge adulte.

https://www.generation22.fr/
https://www.tremplin-spr.org/
https://www.tete-cou.fr/offre-de-soins/reseau-maface
https://www.tete-cou.fr/spraton/accueil

Le devenir de chaque enfant est totalement individuel mais son suivi est toujours pluridisciplinaire. Certains auront suivi des parcours médicaux-chirurgicaux extrêmement lourds, d’autres non.
Il est essentiel que les patients et leurs parents soient accompagnés au plus tôt. Certains enfants ne connaîtront aucun trouble cardiaque, respiratoire et alimentaire et ne nécessiteront pas de chirurgie. En revanche, tous auront besoin tôt ou tard d’un suivi orthophonique plus ou moins intense et long.
La question de l’autonomie ne se posera pas pour tous, mais elle est très souvent au cœur des questions des parents de l’enfant devenu grand. L’orthophoniste joue aussi un rôle déterminant. Cette autonomie sera très liée aux soins dont auront bénéficié les patients, à leur parcours scolaire ou institutionnel et enfin à leurs aptitudes cognitives, retard intellectuel plus ou moins présent.