Notre fils Lucas est malvoyant depuis la naissance. Il est atteint d’une rétinite pigmentaire. Il ne voit qu’au centre de son champ de vision, comme dans le trou d’une serrure. Tout se passait bien en maternelle, avec l’aide de son AESH. Le CP est plus compliqué, surtout en lecture. L’année prochaine, il rentre en CE1. Il lit encore très lentement, fait beaucoup d’erreurs, saute des lignes… Est-ce une dyslexie ?

Qu’est-ce que la malvoyance ?

On appelle malvoyante une personne dont la vue corrigée (avec des lunettes) et binoculaire (avec les 2 yeux, et non un œil après l’autre comme chez l’ophtalmologiste) est de 3/10 ou moins. On parle aussi de malvoyance si son champ visuel (étendue de ce que l’on peut percevoir en regardant droit devant soi) est inférieur à 20° pour chaque œil.
La vue est le sens qui permet de percevoir les lettres, les mots lors de la lecture. Il est donc normal qu’une atteinte de la vue puisse poser des difficultés de lecture. C’est pourquoi, avant de proposer un bilan de langage écrit, l’orthophoniste s’assurera toujours que la vue a été vérifiée.

Quelles difficultés de langage écrit peuvent être liées à la malvoyance ?

Si les textes ne sont pas adaptés (agrandis, aérés, avec une police lisible par exemple), il peut y avoir des difficultés :

  • à percevoir et différencier les lettres et leur ordre dans les mots
  • à reconnaître les mots
  • à lire les mots : le risque peut être aussi que l’enfant essaie de compenser en devinant les mots, ce qui n’est pas une stratégie efficace
  • à mémoriser l’orthographe
  • à rester concentré : il peut ressentir une fatigabilité
  • à lire à la bonne vitesse, la lecture sera alors plus lente

Même si les textes sont suffisamment agrandis, le fait même d’agrandir ralentit la lecture (plus de retours à la ligne, moins de possibilités d’anticiper).

Si c’est un problème de champ visuel

Si le champ visuel central est atteint, la personne ne voit rien au milieu de son champ de vision, donc là où elle dirige son regard. Elle est alors obligée de regarder un peu au dessus ou au dessous de ce qu’elle veut lire, afin de placer les mots dans le champ visuel périphérique, qui est préservé. Cela nécessite un apprentissage, avec un orthoptiste (rééducateur des yeux et de la vision).

Si le champ visuel périphérique est atteint, la personne voit comme si elle regardait dans un tube. Le balayage visuel sera plus important, les retours à la ligne seront plus difficiles, avec un risque accru de sauts de lignes et des difficultés à anticiper.

Au niveau de l’orthographe, il peut être plus difficile de mémoriser l’orthographe par la lecture, en particulier si l’enfant lit moins car il n’a pas accès à des livres adaptés à ses problèmes de vue.

Les difficultés de coordination oeil-main peuvent créer des difficultés de graphisme, qui elles-mêmes peuvent créer des difficultés d’orthographe (si le geste graphique n’est pas automatisé, il reste moins de ressources cognitives à allouer pour l’orthographe).

Vers quel professionnel se tourner ?

Pour aider l’enfant à adopter des stratégies visuelles efficaces, les parents pourront se tourner vers un ophtalmologue puis un orthoptiste.

Si les stratégies visuelles sont en place mais que ses stratégies de lecture ou d’orthographe ne sont pas efficaces, un orthophoniste pourra l’aider.

Pour ce qui est du graphisme, une mauvaise coordination oeil/main peut gêner la précision du geste. On consultera alors un orthoptiste. S’il s’agit de difficultés de graphisme “pur”, un orthophoniste, un psychomotricien ou un ergothérapeute pourra l’aider (ces trois professionnels peuvent rééduquer les troubles du graphisme, avec des approches différentes).

Ces troubles du langage écrit ne sont pas des troubles spécifiques des apprentissages (anciennement appelés dyslexie/dysorthographie). Cependant, il est possible d’avoir à la fois une malvoyance et un Trouble Spécifique du Langage Ecrit.

Un bilan orthophonique avec des épreuves adaptées à la vue de l’enfant permettra de faire le diagnostic différentiel, en évaluant, par exemple, la phonologie ou l’accès au lexique. Ces deux compétences sous-jacentes au langage écrit ne dépendent pas de la vision.

Une malvoyance, en vision de près, engendre généralement des difficultés de lecture et d’écriture. Un orthoptiste pourra aider à la rééducation et à l’adaptation des stratégies visuelles en situation de lecture et de la coordination oeil-main pour le graphisme. Si des difficultés persistent, un orthophoniste pourra aider à trouver des stratégies de lecture, d’orthographe ou de graphisme adaptées. Pour ce qui concerne le graphisme, un psychomotricien ou un ergothérapeute sera également habilité à le prendre en charge. Enfin, même si des difficultés de langage écrit peuvent être une conséquence de la malvoyance, il peut arriver que des enfants malvoyants aient également un Trouble Spécifique du Langage Ecrit. Dans ce cas, un bilan adapté chez un orthophoniste permettra de le mettre en évidence.