Rosalie

Rosalie, 9 ans et demi, s’exclame en rentrant de l’école qu’elle déteste les maths, qu’elle est « nulle » en problèmes, qu’elle « n’y comprend plus rien ». Pourtant, Rosalie a appris facilement à compter, toute petite et connaît bien ses tables ! Depuis quelques mois, ses résultats scolaires ont effectivement baissé en mathématiques et, dans ses cahiers d’école, l’institutrice a mis à plusieurs reprises des commentaires du type « Fais attention à tes réponses », « Réfléchis davantage, ta réponse n’est pas possible » ou encore « As-tu bien lu l’histoire ? ».

Théo

Théo, lui aussi en CM1, est en difficulté pour résoudre des problèmes. L’institutrice lui donne parfois des commentaires comme « Attention à tes calculs Théo ! Tu y étais presque pourtant », « Dommage, bon raisonnement, mais erreur de chiffre ! ».

La résolution de problèmes

On pense souvent que la résolution de problèmes mathématiques concerne uniquement le travail à l’école. Cependant dans la vie de tous les jours aussi, les enfants et les adultes sont régulièrement confrontés à des situations de résolution de problèmes mathématiques. Les achats et la manipulation de l’argent, le partage d’un paquet de bonbons ou d’images, la répartition d’un groupe dans plusieurs voitures, l’heure de fin d’un film, la distance pour aller d’un endroit à un autre sont quelques exemples de situation où il faut résoudre un problème mathématique. Avoir des difficultés en résolution de problème peut engendrer de la souffrance à l’école, mais peut aussi avoir un impact dans la vie quotidienne.

Comment comprendre les difficultés de Rosalie et de Théo ? Sont-elles identiques ? Comment les aider et dans quel cas envisager un bilan orthophonique ?

Résoudre un problème c’est quoi ? 

Résoudre un problème mathématique, c’est mettre en œuvre plusieurs actions, dont des calculs, pour parvenir à un résultat cohérent avec la situation problème donnée, en général sous forme d’une petite histoire présentée le plus souvent à l’écrit.

Il y a cinq étapes dans la résolution, détaillées ci-dessous et à chacune de ces étapes peut correspondre à des difficultés différentes qui, chez certains enfants, peuvent aussi se cumuler.

1. Traduction de l’énoncé :

Tout d’abord, il faut « traduire » l’énoncé (= la petite histoire). Traduire l’énoncé c’est : 

  • Comprendre les mots un à un, 
  • Repérer les mots qui représentent des nombres ou des actions mathématiques (par exemple « ajouter », « enlever », « donner », « perdre », « fois plus que » …), 
  • Comprendre les relations entre les mots et entre les phrases, 
  • Comprendre globalement l’histoire 
  • Et enfin, savoir repérer la question du problème. 

Tout cela peut être plus ou moins facile en fonction du contenu du texte (situation familière ou pas pour l’enfant, mots difficiles, etc.)

Un enfant qui a des difficultés en lecture

et en particulier un enfant dyslexique, peut être en difficulté dès cette étape, même s’il n’a pas de difficulté en calcul. En général, ce type d’enfant réussit mieux si on lui lit l’énoncé en veillant à ne pas saturer sa mémoire. Essayer de lui proposer des problèmes lus par l’adulte est à la fois un moyen de faire la part des choses entre difficultés de lecture et difficultés mathématiques et une solution pour l’aider. (Par ailleurs, si la lecture est difficile, un bilan orthophonique du langage écrit est conseillé).

Un enfant avec des difficultés globales de langage

(Trouble développemental du langage, retard de langage, surdité) peut également être en difficulté dès cette étape, même si on lui lit l’histoire-problème. On peut aider l’enfant en redisant le problème autrement (phrases plus simples, question au début du problème, contenu et thème concret) ou en proposant l’histoire avec un dessin ou un schéma. Un bilan orthophonique du langage oral est préconisé.

Quand l’enfant est en difficulté avec cette étape, on peut l’aider à organiser la « traduction » de l’histoire : 

  • mettre en place un code couleur pour souligner les mots de l’histoire, par exemple « bleu » pour «  de qui on parle, les personnages », « rouge » pour «  ce qu’ils font, les actions », « vert » pour le temps (quand ça se passe, avant / après), 
  • entourer les nombres et les mots-nombres et colorier ceux qui sont utiles pour la question posée
  • barrer les informations qui ne servent à rien. 
  • On peut aussi proposer à l’enfant de dessiner l’action, de faire un schéma ou lui proposer de mimer l’histoire avec des jetons qui représentent les quantités. 

Si un suivi est décidé, l’orthophoniste proposera des conseils personnalisés et aidera l’enfant à mettre en place des stratégies de compréhension des énoncés.

2. Intégration de l’histoire/situation :  

Une fois que l’enfant a globalement compris l’histoire, il doit pouvoir faire le lien avec des situations-problèmes déjà rencontrées ou apprises. Il doit donc reconnaître le type de problème (par exemple, problème où on compare deux quantités, problème où la quantité de départ se transforme parce qu’on a ajouté ou enlevé quelque chose etc.). Pour cela, il doit pouvoir se représenter mentalement la situation et ce qui se passe : 

  • Cela fait appel à des images mentales, voir l’histoire comme le scénario d’un film
  • Se représenter les nombres et les quantités données dans l’histoire (les «  voir » dans sa tête)

Un enfant avec des difficultés de mémoire peut être en difficulté dans cette phase.

Un enfant qui a du mal à se construire des images de la situation peut être gêné dans cette phase : on peut l’aider en lui proposant de décrire la scène, d’imaginer comment sont les personnages, les bonbons, les billes… de l’histoire ou lui proposer de dessiner. 

De façon plus générale, on peut aider l’enfant en lui proposant des tas de petits problèmes concrets dans des situations de la vie quotidienne qui l’aident à faire du lien (en faisant les courses, en préparant un gâteau, en mettant la table, en rangeant des images ou des objets dans des boites, en effectuant des partages, etc.).

Un enfant qui ne fait pas bien le lien entre des quantités et leurs symboles (les nombres écrits en chiffres, les mots-nombres à l’oral) ne perçoit pas bien les quantités (peu, beaucoup, moins, plus) : 

  • L’enfant a alors du mal à estimer un résultat. 
  • Il a des difficultés à se représenter l’histoire et à identifier le type de problème qu’on lui propose. 

Ces difficultés peuvent relever d’un trouble spécifique des apprentissages en mathématiques autrement appelé dyscalculie. Un bilan orthophonique spécifique (que l’on appelle bilan de la cognition mathématique) est dans ce cas conseillé.

3. La planification :

Planifier c’est organiser le raisonnement, choisir les opérations à effectuer, repérer dans quel ordre on fait les calculs s’il y en a plusieurs. Cela demande de bonnes compétences logiques. La mémoire sera également sollicitée dans cette phase.

Certains enfants qui n’ont pas de difficulté dans les étapes précédentes peuvent être en difficultés dans cette étape de raisonnement et d’organisation. On peut les aider en leur posant des questions sur les opérations à choisir, en faisant un lien avec ce qu’ils ont retenu de l’histoire, leur proposer de prévoir le résultat s’ils choisissent telle ou telle opération (par exemple :  « si tu fais une soustraction, un « moins », à la fin de l’histoire, Tom, il en aura plus ou il en aura moins de bonbons ? il sera content ou pas content ? »). 

Si les difficultés persistent malgré l’aide apportée par l’enseignant, des adaptations pédagogiques et/ou du soutien scolaire ciblé sur les mathématiques, il peut s’agir d’un trouble du raisonnement mathématique et un bilan orthophonique est conseillé.

4. La réalisation du calcul :

Une fois la ou les opérations sélectionnées, il faut les réaliser, de tête ou en les posant sur le papier. Pour cela, il faut faire appel au calcul mental et, en particulier pour les multiplications, aux « tables » apprises par cœur.

Certains enfants sont spécialement en difficultés dans cette étape-là alors qu’ils ont pourtant choisi la bonne opération. Si on fait le calcul à leur place ou si on leur propose une calculatrice ou encore une fiche-mémo avec les tables, ils peuvent parvenir à la bonne solution du problème. Il peut s’agir d’enfants un peu étourdis, d’enfants qui ne se sont pas encore assez entraînés à mémoriser les tables, mais cela peut aussi être le signe d’un trouble spécifique des apprentissages en mathématiques (ou dyscalculie).  Si les difficultés de calcul persistent malgré un entraînement régulier, un bilan orthophonique est conseillé. En attendant, on peut proposer des aides à l’enfant : l’autoriser à utiliser ses doigts pour compter, à dessiner, lui donner des « tables » sur un sous-main ou lui permettre d’utiliser une calculatrice pour la résolution de problèmes.

5. L’auto-contrôle du résultat :

Lorsque le calcul est effectué, l’enfant devrait spontanément vérifier si le résultat qu’il a donné est possible. Par exemple, dans le problème « 72 bonbons partagés avec mes 7 amis », si l’enfant obtient la réponse 576 (Il a multiplié au lieu de diviser) il doit pouvoir se demander : « J’en avais 72 au début, se peut-il que j’en ai maintenant 576 alors qu’on a fait le partage ? ».

Certains enfants peuvent être en difficulté dans cette étape parce qu’ils sont impulsifs, n’ont pas fait attention et ont appliqué la première opération qui leur venait à l’esprit. Si on amène ces enfants à expliquer leur raisonnement, si on leur pose des questions sur l’aspect possible ou impossible de leur réponse, les enfants sans trouble des apprentissages peuvent en général rectifier d’eux-mêmes. Les enfants avec un trouble s’apercevront plus difficilement que leur réponse est improbable :  ils auront besoin d’une intervention plus spécialisée pour apprendre à contrôler leur résultat. 

On peut cependant encourager les enfants à se poser ce type de questions, en leur proposant à la maison des situations pratiques (avec des partages de gâteaux ou de bonbons, par exemple).

D’autres enfants peuvent être en difficulté parce qu’ils ne se représentent pas les quantités, ne font pas le lien avec les nombres, ont des difficultés à situer les nombres par rapport aux autres, à estimer les quantités. Cela peut être lié à un trouble spécifique des apprentissages en mathématiques (dyscalculie) si malgré la mise en place de stratégies d’auto-questionnement, ils ne perçoivent pas l’absurdité de leurs réponses. Un bilan orthophonique est alors conseillé. 

Conclusion

Revenons à Rosalie et à Théo.

Rosalie est un peu découragée. Des entraînements réguliers à la maison sur des situations concrètes et une attention particulière de son enseignante ou du soutien scolaire pourraient l’aider à dépasser ses difficultés passagères. Si Rosalie ne progresse pas malgré les aides mises en place, Rosalie fait peut-être partie des enfants en difficultés avec les premières étapes de la résolution des problèmes et on peut suspecter un trouble du langage oral ou écrit. Rosalie peut aussi être gênée pour organiser son raisonnement et présenter un trouble du raisonnement mathématique. Un bilan orthophonique du langage oral et/ou écrit ou encore un bilan de la cognition mathématique seraient utiles pour évaluer la source des difficultés de Rosalie. Si nécessaire, l’orthophoniste proposera ensuite une intervention adaptée à ses difficultés.

Théo est un garçon qui peut mettre en place de bons raisonnements mais peut-être se montre-t-il parfois un peu étourdi ou il n’a pas encore assez appris les tables de multiplication. Si les difficultés persistent malgré des entraînements et du soutien scolaire, on peut conseiller un bilan orthophonique pour une suspicion de trouble spécifique des apprentissages en mathématiques (dyscalculie). Le bilan permettra de faire le point sur ses difficultés. En attendant, Théo pourrait être aidé en utilisant une calculatrice ou des fiches-mémo avec des tables et il faudrait l’autoriser, voire l’encourager, à utiliser des doigts pour calculer car … on a toujours ses doigts avec soi !