«Je n’ai pas de mal à parler mais c’est difficile d’exprimer une idée ou une opinion. Parfois, je me rends compte que je n’ai pas compris ce que voulait dire mon interlocuteur alors que j’avais compris tous les mots qu’il a prononcés.»

Si l’idée de communiquer provoque une véritable anxiété, c’est peut-être un problème de pragmatique du langage.

La pragmatique, qu’est-ce que c’est ?

Pragma vient du grec «agir, action». La pragmatique c’est donc le langage en situation de communication.
Le langage se divise plusieurs niveaux. Le premier niveau représente les sons de la langue (on parle de phonologie). Ils permettent de créer le deuxième niveau : les mots (le lexique). Les mots permettent de décrire le monde et ses concepts. La sémantique, correspond au sens qu’on peut donner aux mots selon la manière de les organiser (par exemple l’avocat, dans une phrase concernant des hommes de loi n’as pas le même sens que l’avocat inscrit dans une recette). Ces mots permettent la création d’une infinité de phrases, c’est la grammaire de la langue, la syntaxe c’est le troisième niveau. Ils permettent de produire des énoncés en situation de discussion (la pragmatique), c’est le quatrième niveau.
La pragmatique du langage est un des domaines de fonctionnement du langage. C’est le pouvoir d’interagir avec l’autre.

Pour communiquer efficacement, les compétences pragmatiques attendues chez l’adulte sont nombreuses. Utiliser ses compétences, c’est participer à une conversation, de façon adaptée au contexte et à la personne en face de soi. Ces compétences s’appuient sur des habiletés conversationnelles : savoir demander de l’aide ou en offrir, demander ou donner des informations, argumenter, négocier, se présenter et comprendre ou transmettre son état (douleur, fatigue, émotion)
La personne doit pouvoir transmettre sa pensée.

Elle doit aussi comprendre un message verbal et l’ensemble des signes non verbaux (ton, mimiques, gestes…) et utiliser ce qu’elle connait des règles sociales explicites ou non écrites pour décoder et analyser les émotions et intentions de communication de son interlocuteur.
Ce sont donc des compétences très élaborées, indispensables à l’inclusion sociale et professionnelle.

Elles s’appuient :

  • Sur le langage : organiser son discours, choisir le niveau de langue adapté, utiliser et comprendre les sous-entendus et l’implicite.
  • Sur d’autres compétences plus générales liées à une agilité intellectuelle (« fonctions exécutives » : attention, planification, mémorisation)
  • Sur des compétences liées à ce qu’on appelle la «cognition sociale» : connaissance des règles sociales qui régissent par exemple les relations entre collègues, avec un supérieur hiérarchique, avec un ami etc.. ; compétence de «théorie de l’esprit» (compétence qui permet d’affecter à son interlocuteur ou à soi des émotions, des savoirs ou des intentions afin de s’y ajuster) capacité à décrypter les indices qui sont porteurs de signification sociale ou émotionnelle.

Plusieurs causes à un trouble de la pragmatique

Le trouble de la pragmatique se rencontre systématiquement dans les troubles du spectre de l’autisme (TSA). Les personnes présentant un TSA ont des difficultés à percevoir les indices sociaux et émotionnels. Ils ont également des difficultés d’agilité intellectuelle associées (difficultés exécutives) et des particularités de fonctionnement en langage plus complexe (langage élaboré : traitement des sous-entendus, inférences et implicites).

On peut retrouver des troubles de la pragmatique chez certains patients ayant eu un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien. Dans ces pathologies neurologiques, les fonctions exécutives sont atteintes. Il est alors difficile à la personne de focaliser son attention sur les échanges, de mémoriser le contenu des échanges ou d’organiser ses idées et de planifier son discours. Ses propos peuvent se révéler décousus.
On peut aussi trouver des troubles de la pragmatique dans le cas de Troubles développementaux du langage modéré à sévère.

Comment identifier le trouble de la pragmatique ?

L’orthophoniste est le professionnel de santé expert dans le domaine du langage et de la communication. Il va réaliser un bilan de langage oral et de la communication.
Ce bilan va déterminer s’il y a ou non un trouble de la pragmatique du langage. S’il y a un trouble de la pragmatique, le bilan permet alors d’expliquer les mécanismes de survenue du trouble (déficit en connaissance des usages sociaux (cognition sociale) difficulté de langage pour exprimer des choses complexes (langage élaboré), compétences d’agilité intellectuelle (difficultés exécutives). La compréhension de ces mécanismes peut déclencher une démarche diagnostique plus large (autisme, séquelles d’une atteinte neurologique)

Peut-on agir et limiter les conséquences d’un trouble de la pragmatique ?

Le bilan donne des indices sur les mécanismes de survenue du trouble. Il est aussi le premier pas pour mettre en place un plan de soins orthophoniques. On peut en effet agir de différentes manières.
Il est possible d’entrainer des compétences nécessaires à une bonne pragmatique du langage.
Par exemple, on peut entrainer le repérage et la compréhension des sous entendus et des inférences. On peut aussi travailler l’enrichissement du discours (par exemple pour des personnes qui sont beaucoup trop laconiques) ou son organisation. On peut entrainer la prise d’indices sociaux permettant de comprendre les intentions et les émotions de son interlocuteur. On peut aussi proposer un travail spécifique sur les fonctions du langage et entrainer des automatismes (demande et offre d’aide, savoir se présenter selon les contextes) Il est aussi possible de proposer un entrainement à des stratégies spécifiques améliorant le fonctionnement en conversation (tour de rôle, savoir reformuler, utiliser le langage non verbal pour maintenir la conversation…)
Les objectifs de la prise en soins sont choisis par l’orthophoniste et le patient, afin de cibler les compétences qui lui sont les plus importantes dans ses interactions au quotidien.

Les soins d’orthophonie ont lieu en cabinet. Il est généralement demandé au patient d’appliquer dans son lieu de vie les compétences entraînées de façon systématique en séance. Ces objectifs permettent un transfert des progrès du cabinet d’orthophonie à la vie de tous les jours. Cet entrainement permet des interactions à la fois plus fonctionnelles et moins fatigantes.