J’ai de jeunes enfants et j’ai un peu peur qu’ils soient perturbés dans leur développement langagier ou qu’ils soient moqués, à cause de certaines particularités langagières qu’ils pourraient avoir.

Le bilinguisme

Dans les îles d’Outre-Mer, même si on parle français, il existe des expressions et des accents que l’on ne retrouve pas en métropole.
En effet, chaque île a une langue spécifique (le créole, le tahitien, langues kanakes) en plus du français; ces 2 langues sont amenées à se rencontrer et se mélanger, ce qui crée du vocabulaire ou des tournures de phrases spécifiques qui n’existent pas en métropole. Pour autant, cela fait partie intégrante de ces territoires sans qu’il y ait forcément bilinguisme. Cela ne constitue pas des «erreurs de français» puisque les habitants du territoire en question les utilisent et les comprennent. Ces spécificités langagières font partie de la langue.
Il existe aussi des accents spécifiques. En général, quand on pense au créole, on l’associe à l’absence de «r» mais il n’y a pas que cela.

S’adapter à un nouveau milieu langagier

Si on est originaire de ces lieux, on sait tout cela et on utilise ces particularités qui font partie du langage «normal» quotidien. Quand les enfants développent leur langage, ils reprennent les expressions, le vocabulaire qu’ils entendent et possèdent sans doute un accent, au moins sur certains sons. Les parents fournissent un modèle, qu’ils reprennent et s’approprient et ce modèle contient des tournures langagières et du vocabulaire spécifique à l’île d’origine.
En arrivant sur un nouveau lieu, ils vont rencontrer des nouveautés langagières dont ils vont s’imprégner, qu’ils vont employer et qui va enrichir leur niveau langagier.

Faire la différence entre ce qui est spécifique à la culture d’origine et ce qui est problématique

Il est important de faire la différence entre de réelles difficultés relevant d’un bilan orthophonique et des «erreurs» qui ne sont pas considérées comme telles parce que faisant partie de la culture de l’île dont on est originaire.
Par exemple, si un enfant confond certains sons, c’est peut-être normal: par exemple, en Polynésie «on» et «an» ne sont pas différenciés.
S’il introduit dans une phrase en français un mot venant de l’île où il a grandi, c’est commun et normal: par exemple, en Polynésie, le bus, c’est le «truck» (qui vient donc de l’anglais «camion»).
S’il emploie une forme syntaxique que l’on ne dit pas en «français de métropole» mais qui est commune dans certains DROM-COM, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Par exemple, à la Réunion ou aux Antilles, on dit souvent «je la dis» pour «je lui dis» quand on s’adresse à une personne de sexe féminin. L’important est que, en grandissant et en améliorant son langage, l’enfant puisse distinguer ces deux tournures pour les utiliser de manière adaptée.
Ces expressions et ce vocabulaire spécifiques sont normaux et font partie du développement langagier de l’enfant puisqu’il apprend ce qu’il a entendu, et il n’y a pas lieu de s’alarmer.
En métropole, on retrouve aussi des habitudes langagières qui ont été intégrées dans le langage courant, dont certaines sont régionales. Par exemple, pour le sac de courses, on va dire «poche» dans certaines régions, «cornet» dans d’autres ou bien encore «sac».

Quand faut-il prendre rendez-vous chez un orthophoniste ?

Si vous avez l’impression que votre enfant manque de vocabulaire, a du mal à former des phrases correctes, à organiser son discours ou à comprendre ce qu’on lui dit (consignes, récits), un bilan orthophonique peut être indiqué. Ce type de difficultés n’a rien à voir avec le fait d’être au contact avec deux cultures et deux particularités langagières différentes.
Si votre enfant utilise des expressions de son île d’origine alors que vous habitez en métropole, cela n’a rien d’inquiétant s’il ne présente pas de difficultés qui pourraient nuire à ses capacités de communication avec les autres. Elles pourront s’intégrer au «français de métropole» et il pourra même les apprendre à ses copains. Dans ce cas, il n’y aura donc pas lieu de consulter un orthophoniste.

Faites-vous confiance, corrigez votre enfant quand il emploie des mots ou expressions que l’on n’emploie ni dans les DROM-COM ni en métropole mais pas forcément quand il en utilise qui sont spécifiques aux îles car elles sont une richesse et la preuve d’une diversité culturelle.
Et si vous avez un doute, vous pouvez déjà en parler avec votre médecin généraliste ou un pédiatre qui vous aiguillera vers un orthophoniste si besoin.