Boire ou souffler à la paille permet de mobiliser la langue, les lèvres, les joues et d’autres muscles.

Que se passe-t-il quand on boit à la paille ?

Prenez une paille et faites semblant de boire avec.

Observez vous dans un miroir : vos lèvres sont sollicitées : elles doivent s’avancer et bien se refermer autour de la paille. Vous êtes même capable de la retenir juste par la contraction des lèvres. En regardant plus attentivement, vous constatez aussi que vos joues se creusent légèrement.

Maintenant, soyez aussi attentif à ce qui se passe dans votre bouche. Vous sentez que la cavité buccale se contracte et se rétrécit puisque les joues se creusent. Votre langue est très stimulée aussi puisque la paille repose un peu dessus. Avez-vous remarqué que votre langue a également reculé ? En particulier la partie arrière, que l’on appelle la racine ou base de langue, qui recule et se soulève.
Enfin, tout au fond de la bouche, d’autre muscles se contractent en reculant et s’élevant pour boucher le passage de l’air ou du liquide vers le nez. C’est le voile du palais.

Lèvres, joues, langue et voile sont indispensables à l’articulation des sons et donc à l’intelligibilité de la parole. Vous mesurez tout l’intérêt de ce geste de boire à la paille s’il est pratiqué tôt et quotidiennement.

Qui est concerné par l’action d’aspirer ?

Tous les enfants trouveront un intérêt à aspirer les liquides. Cela peut contribuer à les faire gagner en maturité, à laisser plus facilement de côté le biberon et la tétine. Grandir et devenir plus autonome pour boire accompagnent aussi le développement de la parole et du langage.
En raison de leur handicap, certains enfants ont du mal à coordonner les gestes. Ils peuvent boire difficilement au verre mais parvenir à boire à la paille. La paille évite à certains de pencher la tête en arrière au risque de faire une fausse route et donc à se mettre en danger.
Quand les enfants souffrent de troubles alimentaires, ils peuvent craindre aussi certains goûts, odeurs ou textures. Boire à la paille neutralise une partie de ce temps buccal inconfortable. Ainsi, la paille peut aider à faire absorber plus facilement un médicament liquide.

Du point de vue de l’articulation, l’expérience de boire à la paille permet de mobiliser les muscles liés à la production de certains sons. A titre d’exemple, observez-vous encore dans un miroir : faites le son [ch] ou [o] et voyez comme vos lèvres s’avancent et s’arrondissent. Maintenant, ressentez ce qui se passe à l’arrière de votre bouche quand vous répétez des [k g r]. Vous sentez que la langue recule et qu’elle entraîne les muscles qui constituent le voile du palais ( le «rideau» qui se termine par la luette, sorte de petit grelot).
Ces mouvements fins mais précis sont aussi ceux que l’on fait quand on aspire un liquide avec une paille.

Plus particulièrement, pour les enfants nés avec une fente palatine, l’aspiration à la paille leur permettra aussi de prendre conscience de leur voile du palais qui a fait l’objet d’une réparation chirurgicale dans les premiers mois de vie.

A quel âge ? Avec quelle paille ? Y a t-il des précautions à prendre ? Des contre indications ?

Dès 1 an, voire plus jeune, un enfant peut boire à la paille. En situation de handicap ou si il y a eu une réparation du voile du palais, l’apprentissage peut prendre plus longtemps.
Il n’existe pas de contre-indication à l’usage de la paille si ce n’est de ne pas laisser l’enfant seul avec cet objet. On peut avoir, mais c’est rare, des enfants qui aspirent trop d’air, entraînant alors des ballonnements ou des gaz. En terme de précaution, on s’assurera que l’enfant est bien installé droit quand il boit. Cette précaution est valable tout le temps, pas seulement quand il boit à la paille.

Aujourd’hui, les pailles plastiques ne sont plus autorisées en France. Il existe de nombreuses alternatives qui ont toutes des avantages et quelques inconvénients : carton (écologiques mais trop molles et vite jetées), silicone (très colorées, parfois trop larges), verre (très belles, fragile), inox (lavables mais trop longues si elles ne sont pas télescopiques), mangeables en maïs (chères et impossibles à raccourcir sans les casser). Toutes ces pailles sont écologiques et/ou durable et préservent l’environnement.
Néanmoins, boire à la paille ou avec une gourde paille sera toujours préférable à la tasse à bec qui favorise le débit rapide et l’extension de la tête en arrière. Le basculement de la tête vers l’arrière peut engendrer des fausses routes.

Et si mon enfant ne parvient pas à aspirer ?

L’enfant peut trouver «le truc» tout de suite ou au contraire mettre longtemps à comprendre le mécanisme. En cas de fente palatine et de handicap, d’hypotonie des muscles de la face et la bouche, cela peut-être encore plus long.

Les principaux échecs sont liés à :

  • une paille trop au bord des lèvres qui va nuire à l’étanchéité, il faut faire le vide dans la bouche pour aspirer,
  • une paille trop enfoncée va favoriser la succion et non l’aspiration
  • une paille molle (exemple carton) a l’avantage d’être écologique. Elle peut être mordue, vous le verrez vite quand l’enfant la rendra. Dans ce cas, proposez à l’enfant une paille plus rigide.
  • des lèvres encore peu mobiles ou pas totalement étanches, en cas de fente labiale par exemple. Dans ce cas, placez la paille sur un côté, le long de la joue. Vous pouvez aussi pousser doucement la mâchoire du bas vers le haut pour favoriser une bonne fermeture.
  • une paille trop longue demandant trop d’efforts pourra faire monter le liquide jusque dans la bouche, dans ce cas ; prenez une paille plus courte.
    En cas d’échec persistant, comment aider l’enfant ?
  • en utilisant des gourdes pailles souples où le parent peut presser la gourde pour faire monter le liquide
  • en utilisant des pailles anti-reflux qui stockent l’eau déjà montée (mais pas jusqu’à la bouche). L’enfant va faire monter l’eau petit à petit en faisant des pauses.

Dans tous les cas on commencera toujours avec une paille de 7cm de long maximum, ni trop fines (comme celles de jus de fruit) ni trop larges (comme celles des smoothies). Tout doit se faire en riant, en faisant aussi des bulles. L’enfant découvre souvent l’aspiration par hasard en soufflant pour faire des bulles. Pour lui donner le bon modèle, à vous d’exagérer vos mouvements : creusez beaucoup les joues, forcez sur les lèvres formant un O autour de la paille.
Toutes les tentatives doivent être encouragées et faire l’objet de félicitations pour avoir essayé.

Quel est le rôle de l’orthophoniste ?

Si l’enfant est suivi et que l’orthophoniste travaille avec les pailles, les parents seront invités à les utiliser au quotidien.
L’orthophoniste guide l’enfant et ses parents dans l’évolution des fonctions et des exercices selon les objectifs déterminés lors de son bilan. Ainsi, elle favorisera la progression de l’enfant en jouant sur plusieurs paramètres :

  • le diamètre de la paille (plus fin ou au contraire bien plus large)
  • la longueur et la forme de la paille
  • l’épaisseur du liquide

Pour les enfants souffrant de troubles liés au voile du palais (articulation, otites séromuqueuses, voix nasale…) l’orthophoniste propose enfin des aspirations de cibles qui seront maintenues en l’air, voire déplacées avec là encore une progression.

Et souffler à travers une paille ? Est-ce utile ?

Oui ! Lorsque l’on parle on fait circuler de l’air à travers le nez et la bouche. Certains adultes peuvent avoir besoin de réapprendre les bons mouvements pour parler, après une chirurgie ou en cas de mauvaises habitudes prises. L’orthophoniste peut utiliser la paille pour faire découvrir les bons mécanismes et ré-apprendre à utiliser la voix sans effort. L’utilisation de la paille peut aussi contribuer au massage des cordes vocales.
Pour les enfants, souffler dans la paille leur permet de découvrir que certains sons demandent de libérer l’air d’un seul coup et pour d’autres de le laisser s’échapper progressivement.

Vous l’avez compris, aspirer et souffler avec une paille, c’est drôle et utile. Comme pour tout apprentissage, il faut parfois être patient avec l’enfant, surtout s’il est porteur de handicap.
Dans le cadre d’un suivi orthophonique, le professionnel saura guider la progression de son patient et encourager la famille à reprendre ces bonnes pratiques à la maison.
Dans tous les cas, stimuler les fonctions oro-faciales précocement est un atout pour favoriser la parole des enfants.