Tom a 9 ans, il connaît tous les noms de dinosaures et rêve de devenir paléontologue. Mais à l’école, écrire est devenu une épreuve. Sa maman raconte : « Il s’arrête après deux lignes, pose son stylo et me dit : “J’arrive pas, ma main me fait trop mal. J’arrête !” Le soir, il refuse même de faire un dessin pour sa petite sœur. » Tom grimace, secoue sa main, soupire. Peu à peu, le plaisir d’écrire disparaît et même pire, Tom commence à éviter d’écrire et de dessiner.
La douleur n’est pas tous les jours la même : parfois c’est juste le poignet, parfois carrément l’avant-bras ou même la tête en fin de journée, quand Tom n’en peut plus. Les lettres se chevauchent, il efface beaucoup, sa tenue de crayon est crispée. Bientôt, il ne veut plus dessiner, ni écrire pour le plaisir. Toute la famille s’interroge : est-ce de la fatigue, du manque de motivation, un vrai problème ?
Quand la douleur ne passe pas toute seule
Tous les enfants peuvent se plaindre un jour d’avoir mal en écrivant. Mais quand la douleur revient souvent, que la main fatigue très vite et que la confiance s’envole, il faut écouter ces signaux. Chez Tom, écrire est devenu synonyme de souffrance. Plus il force, plus il s’épuise. Il faut agir.
Beaucoup d’enfants vivent ce cercle vicieux. C’est parfois le signe d’une dysgraphie, un trouble connu, mais encore mal repéré : il touche le geste de l’écriture, son organisation et son confort. Tom n’est pas tout seul dans ce cas.
Les signes qui doivent alerter
- Douleur à la main, au poignet ou à l’avant-bras pendant l’écriture
- Devoirs très longs, arrêts fréquents
- Écriture difficile à lire : lettres collées ou tremblées
- Effacements répétés, stylo serré trop fort
- Évitement des activités graphiques, agacement ou perte de confiance
- Soupirs, grimaces, « c’est trop dur pour moi ! »
À la maison : garder le lien et la détente
Ce qui aide vraiment :
- Faire des pauses régulières
- Vérifier la position : pieds au sol, dos appuyé, cahier légèrement incliné
- Laisser l’enfant choisir son stylo préféré
- Encourager les activités manuelles (dessin, pâte à modeler, perles)
- Féliciter l’effort, pas seulement le résultat
- Parler de la douleur : « Quand ça fait mal, tu t’arrêtes et tu me dis où. On note dans le carnet de la main pour en parler au rendez-vous. »
Le rôle de l’orthophoniste : écouter, évaluer, accompagner
Quand la gêne s’installe malgré les encouragements, il est important de consulter le médecin. Il vérifie que tout va bien côté santé, puis conseille souvent un bilan orthophonique.
L’orthophoniste, comme tout professionnel de santé, est compétent pour évaluer la douleur dans cette situation. Pour cela, des outils simples adaptés aux enfants sont utilisés, comme une échelle visuelle sur laquelle Tom doit monter le doigt aussi haut que sa douleur est grande quand il écrit. Cette échelle permet de connaître l’intensité de la douleur de l’enfant entre 0 (aucune douleur) et 10 (la pire douleur).
L’orthophoniste note en plus la localisation précise (les doigts, le poignet, l’avant-bras, l’épaule) ce qui déclenche la douleur, au bout de combien de temps, mais également ce qui la soulage. Ces informations sont importantes et permettent de suivre l’évolution d’une séance à l’autre.
L’orthophoniste prend aussi le temps d’observer Tom pendant qu’il écrit : gestes, position, rapidité, réactions face à l’effort, qualité de l’écriture. Parfois, ce professionnel de santé repère d’autres soucis (fatigue rapide, tensions et crispations partout depuis les doigts jusqu’à l’épaule, mauvaise position des doigts sur le stylo, stress). Mis en confiance par l’écoute de l’orthophoniste, Tom montre et explique ce qu’il ressent : « Là, ça tire fort comme un courant qui monte dans mon bras. »
Mais l’évaluation ne se limite pas au corps et grâce à l’écoute de l’orthophoniste, l’enfant peut aussi exprimer sa peur d’essayer, sa honte ou son découragement. L’objectif est de comprendre l’ensemble des difficultés pour éviter l’échec scolaire et la perte de confiance.
Chacun son rôle, tous ensemble
L’orthophoniste aide à rendre l’écriture plus fluide : exercices de motricité fine, conseils de posture, aménagements scolaires (moins d’écriture, utilisation du clavier). Mais il n’agit pas seul, surtout si la douleur continue malgré les ajustements. L’enfant peut être orienté si l’orthophoniste le juge nécessaire, vers un psychomotricien (travail du tonus, relaxation, schéma corporel) ou un ergothérapeute (adaptation du plan de travail, outils numériques, autonomie en classe). Parfois, un suivi psychologique est proposé si l’anxiété ou la baisse de l’estime de soi deviennent envahissantes. Enfin, le lien avec l’enseignant est crucial : il s’agit d’aménager les quantités à écrire et d’anticiper les situations de surcharge.
| Professionnel | Compétence principale | Exemple d’aide apportée |
| Orthophoniste | Évaluation du langage, du geste, du vécu | Rééducation du geste, conseils d’orientation |
| Psychomotricien | Motricité globale et fine, tonus, détente | Relâchement, posture, jeux corporels |
| Ergothérapeute | Adaptation des outils, ergonomie | Stylos spéciaux, aménagement de l’espace |
| Enseignant | Pédagogie, encouragement, adaptation | Moins de copies, recours au numérique |
| Médecin | Diagnostic global, coordination de soins | Prescription bilan, orientation spécialisée |
| Psychologue | Soutien émotionnel, gestion du stress | Entretiens, relaxation, restauration estime de soi |
Pourquoi la douleur de Tom n’est pas imaginaire
Tom ne fait pas de caprices. Sa douleur vient de l’effort fourni pour “tenir l’écriture”, pour ne pas “rater”, pour suivre le rythme de la classe. C’est un vrai signal : il mobilise plus d’énergie que les autres et la crispation, la fatigue, ou l’angoisse s’installent. Plus on attend, plus il s’éloigne des activités d’écriture et prend du retard ailleurs aussi.
Conseils utiles pour l’école et la maison
- Valoriser la qualité plutôt que la quantité
- Donner le droit à des pauses
- Accepter l’ordinateur, l’ardoise ou la dictée à l’adulte si nécessaire
- Installer l’enfant dans un lieu calme et bien éclairé
- Encourager l’effort avant de juger le résultat
Quelques mois après avoir été pris en charge, Tom a appris à ménager sa main, à s’exprimer plus sereinement et à retrouver une certaine fierté dans ses productions. Ses parents, mieux informés, ont pu soutenir sa progression grâce aux conseils prodigués par l’équipe : aménagements, pauses, outils adaptés, encouragements constants.
Avec tous ces changements et grâce à l’équipe autour de lui, Tom reprend confiance. Il expérimente, il ose, il se détend. Ses progrès sont là : moins de douleur, plus de sérénité. Il dit moins souvent « j’ai mal » et plus souvent « regarde, j’ai réussi ! ».
La démarche, parfois longue, porte ses fruits dès qu’on croit en l’enfant et qu’on l’aide à s’appuyer sur ses forces. La douleur à l’écrit n’est jamais « inventée ». Écouter, observer et s’entourer : c’est la clé pour que l’écriture redevienne agréable et confortable.
Bibliographie – Pour aller plus loin
HAS (2014). Évaluation et traitement de la douleur chez l’enfant.
Ministère de la Santé (2018). Troubles spécifiques du langage et des apprentissages.
ANAE (2021). Dysgraphie et troubles du geste graphique chez l’enfant.
Pédiadol. La douleur de l’enfant, comment l’évaluer ? (www.pediadol.org)
Fédération Nationale des Orthophonistes. Rôle de l’orthophoniste dans le repérage et la prise en charge des troubles des apprentissages.



