C’est une phrase qui permet de rassurer les angoisses des parents face à l’alimentation de leur enfant. Il est vrai que le développement alimentaire de l’enfant peut être source de questions, de doutes, d’angoisses.
Derrière cette phrase se cache l’idée que l’enfant peut avoir des moments où il va moins bien manger et qu’en attendant un peu, tout rentre dans l’ordre. Pour ces enfants, les difficultés alimentaires sont reliées à un contexte médical fragile de quelques jours (gastroentérite, angine). Dans d’autres cas, attendre n’arrangera rien.

Les compétences pour bien manger 

En effet, manger nécessite de nombreuses compétences: des organes en bon état et en bon fonctionnement, une bouche qui détecte les sensations et les tolère, un comportement alimentaire serein et ouvert à la nouveauté.

Si une ou plusieurs compétences sont fragilisées à un moment de la vie de l’enfant (dès la naissance ou plus tard), l’enfant peut être en grande difficulté alimentaire. Le nourrisson peut avoir des difficultés à téter au sein ou au biberon. L’enfant plus grand va sélectionner ses textures, refuser les morceaux, avoir une alimentation peu variée. Dans le quotidien, on observe aussi des conséquences sur les repas en commun, en famille ou à la cantine.  Attendre ne servira à rien car il lui faut alors un accompagnement individualisé. Sans aide, la courbe de poids peut se casser et l’enfant peut être dénutri.

De quoi l’enfant a besoin pour manger ?

  • Pour manger, l’enfant doit avoir des organes intacts (anatomie intacte)

Dès les premiers jours la vie dans l’utérus, le visage, les lèvres, les joues, la langue mais aussi tout le système digestif se modèlent et prennent leur place. Dans la majorité des cas, le bébé va naître avec des organes intacts. Parfois, une malformation vient gêner ou empêcher l’alimentation dès la naissance. Elle est souvent détectée à l’échographie. Dans ce cas, l’enfant ne peut pas manger à cause d’un problème anatomique.

Une prise en charge médicale est prévue dès la naissance avec, selon les situations, une intervention chirurgicale. Parfois, une alimentation par sonde est mise en place, le temps que la bouche prenne le relais.

  • Pour manger, l’enfant doit avoir des organes qui fonctionnent bien (motricité fonctionnelle).

Chez le bébé

Pendant la vie utérine, quand les organes se sont développés, ils commencent à fonctionner. Dès la fin du premier trimestre de gestation, la langue entraîne ses mouvements avant/arrière pour que la succion devienne efficace. On sait que la succion est efficace environ 1 mois avant la naissance à terme.
Certains enfants qui naissent trop tôt (enfants prématurés) ne peuvent pas s’alimenter par la bouche car celle-ci n’a pas eu assez le temps de s’entraîner. Dans ce cas, l’enfant sera nourri par sonde le temps que la bouche prenne le relais.

Certains bébés qui naissent dans les temps peuvent également avoir des difficultés à téter au sein ou au biberon. Leur bouche peut avoir des difficultés à faire les bons mouvements de langue (mouvements avant/arrière). Les lèvres peuvent être trop faibles pour maintenir la tétine ou le mamelon en bouche. On peut alors observer des fuites de lait au coin des lèvres. Ces fuites nous montrent que la bouche ne ferme pas complètement, elle n’est pas assez hermétique.

Le bébé va alors s’épuiser, la courbe de poids va se casser entraînant un risque de dénutrition.

Chez l’enfant plus grand

À partir de 8-9 mois, l’enfant commence à manger des petits morceaux. Ce changement de texture va modifier peu à peu les mouvements de sa bouche. La succion va disparaître et être remplacée vers 2 ans par la mastication. La mastication, c’est la capacité de la langue à emmener les aliments sur les côtés pour qu’ils se fassent écraser sous les dents du fond (molaires). L’enfant n’utilisera plus les mouvements avant/arrière de succion.

Certains enfants peuvent être en difficulté pour mettre en place ces mouvements de langue sur les côtés. Ils n’arrivent donc pas à écraser les morceaux, passent beaucoup de temps et d’énergie à tenter de manger ce qu’on leur propose. Au bout d’un moment, le morceau peut même être recraché. L’enfant choisira toujours une alimentation facile à écraser et aura moins de plaisir à manger. On observe parfois des conséquences sur sa courbe de poids et son équilibre alimentaire (moins de viande, moins de légumes avec des fibres).
Dans toutes ces situations, l’enfant n’arrive pas à manger à cause d’un problème de motricité.

  • Pour manger, l’enfant doit détecter et tolérer des sensations en bouche (régulation sensorielle).

Pendant la vie utérine, le fœtus baigne dans le liquide amniotique qui prend le goût de ce que sa mère mange. Le fœtus est nourri grâce au cordon ombilical mais il va sans arrêt téter le liquide et l’avaler. Lorsqu’il naît, il a donc déjà eu de multiples goûts en bouche. Il va en découvrir de nouveaux avec le lait de la maman ou le lait artificiel. Il va expérimenter aussi de nouvelles sensations comme la tétine ou le sein puis la cuillère et les différentes textures des aliments. En grandissant, il explore de nouveaux goûts avec les aliments solides.

L’histoire médicale de certains enfants va gêner le développement sensoriel de la bouche. Lorsqu’il est nécessaire d’utiliser du matériel pour aider l’enfant à respirer ou à manger, il pourra développer des difficultés sensorielles autour de sa bouche.
Ainsi, certains enfants auront des hauts-le-cœur voire des nausées à certaines textures ou lors du brossage des dents. Dans ce cas, on parle d’hypersensibilité orale.

D’autres enfants, au contraire, auront une bouche qui ne réagira pas assez, avec, par exemple, du bavage, ou un besoin d’avoir beaucoup d’aliments en bouche pour avaler. Dans ce cas, on parle d’hyposensibilité orale.
Dans toutes ces situations, l’enfant est gêné pour manger à cause d’un problème sensoriel.

  • Pour manger, l’enfant doit se mettre à table sans crainte, avec plaisir (comportement alimentaire).

Le comportement alimentaire est relié aux compétences sensorielles, décrites dans le précédent paragraphe. On retrouve cela chez les enfants hypersensibles qui vont éviter toute situation inconfortable pouvant entraîner des hauts-le-cœur, par exemple. Ces enfants restent donc avec une alimentation peu variée qui va gêner les repas en collectivité.

L’enfant va développer une méfiance face aux aliments. Il peut aussi devenir «rigide» sur la présentation visuelle des plats. Par exemple, certains enfants exigent le biscuit d’une marque bien précise dans une boîte définie afin de rester dans leur zone de confort.

Des difficultés dans le comportement alimentaire de l’enfant peuvent être reliées à un événement alimentaire traumatisant comme, par exemple, un étouffement. Dans ce cas, l’enfant appréhende d’avaler à nouveau, de peur de vivre la même situation (phagophobie). On peut alors parler de stress post-traumatique.
Dans ces situations, l’enfant a peur, il refuse de manger.

Que faire ?

Si un enfant montre des difficultés alimentaires, la consultation chez son médecin sera une première étape. Il éliminera toute cause médicale par l’auscultation et certains examens complémentaires et orientera chez un médecin spécialiste si besoin.

Il jugera également de l’intérêt de prescrire un bilan orthophonique. Ce bilan permettra de faire le point sur l’histoire alimentaire de l’enfant et sur son stade alimentaire. Si un diagnostic de «trouble d’oralité alimentaire» (appelé aussi trouble alimentaire pédiatrique) est posé, des séances seront proposées.

L’objectif de ces séances, selon l’âge de l’enfant, sera d’aménager les temps de repas et de travailler sur les compétences de l’enfant, c’est à dire sa motricité et sa sensorialité. Chez l’enfant plus grand, on tentera d’agir rapidement sur son comportement alimentaire afin de retrouver plaisir, envie et curiosité par des activités d’exploration alimentaire.

En attendant un RDV

En cas de difficultés alimentaires chez le bébé, il est conseillé d’aller consulter sans tarder. Si l’adulte se sent débordé et stressé par cette situation alimentaire, il est préférable de passer le relais à un autre adulte pour éviter de basculer dans le forçage.

Pour un enfant plus grand, il est préférable de laisser l’enfant dans sa zone de confort en attendant d’aller consulter. Ainsi, on le laissera manger ce qu’il aime pour qu’il ait suffisamment de calories, sans forçage sur les autres aliments. Même si la période est stressante pour les parents, il faut privilégier des moments de repas chaleureux. Il faut choisir des conversations non centrées sur ce qu’il y a dans l’assiette pour éviter les injonctions «mange !», «allez encore !». On peut également choisir un petit livre à regarder tout en donnant à manger à son enfant ou en le laissant picorer son assiette entre deux. Cela aide à rendre le repas moins stressant. On peut également prévoir de jolies assiettes qui font envie (assiettes colorées, avec des images).

On observe souvent que les enfants mangent mieux à l’apéritif. Voici quelques conseils que nous pouvons appliquer au repas des enfants: autoriser à manger avec les doigts, utiliser des cure-dents ou pics pour attraper les aliments, prévoir une petite sauce pour tremper.

Si le repas devient un moment stressant, lourd dans le quotidien et si l’enfant ne peut pas manger en collectivité (crèche, cantine), parlez-en à votre médecin.

Dans certains cas, un enfant peut «mourir de faim» s’il n’a pas d’accompagnement. Un bilan orthophonique aidera l’enfant et ses parents à comprendre les difficultés, à identifier le problème et trouver des stratégies pour trouver du plaisir à table.