«J’allaite Clémence depuis sa naissance. Ma fille a maintenant 5 mois et j’envisage d’ici 2 semaines la reprise du travail et un week-end entre copines. Mais Clémence refuse le biberon : elle tourne la tête, elle repousse la tétine avec sa langue et elle a même parfois des haut-le-cœur. Je ne sais pas comment faire alors que l’échéance approche. Je n’ai pas envie de renoncer au week-end mais si le papa ne peut pas nourrir Clémence, je suis coincée» témoigne Justine. «Tous les bébés de mon entourage prennent le biberon sans problème, alors je m’inquiète. Ma fille a-t-elle un trouble de l’oralité dont on parle beaucoup sur les réseaux ?»

L’allaitement maternel est l’alimentation recommandée par l’OMS, quand cela est possible et si cela correspond au choix du couple. Quand la maman souhaite arrêter son allaitement au sein, elle peut proposer des biberons à son bébé. La plupart du temps, la transition se fait en douceur et sans difficulté si elle a pu être anticipée. Mais il arrive que le bébé se détourne de la tétine du biberon et refuse de prendre ses repas. Quelle inquiétude pour les parents !

La succion au biberon est-elle plus difficile ?

Clémence n’a pas de difficulté à boire au sein. Ses compétences de succion ne semblent pas en cause dans cette difficulté de sevrage. Boire au biberon demande moins de force de succion que l’allaitement au sein. On constate d’ailleurs parfois que certains bébés en allaitement mixte (sein-biberon) finissent par choisir le biberon car c’est plus facile. Techniquement, si l’alimentation a été efficace lors de l’allaitement au sein, le refus du biberon n’est pas lié à un problème de succion.

Pourquoi Clémence refuse-t-elle le biberon ?

L’allaitement au sein fournit au bébé une alimentation idéale : le lait est produit à la demande et sa constitution varie au cours de la tétée et au fil du temps, s’adaptant ainsi aux besoins du bébé.
Le moment de la tétée, quand tout se passe bien, est vécu comme un instant de bien-être pour le bébé et pour sa maman, une bulle d’intimité qu’il peut être difficile de rompre. Parfois, la maman est obligée d’arrêter d’allaiter (raisons médicales, raisons professionnelles, contraintes organisationnelles) et cela peut se ressentir dans la période de passage au biberon. Cette rupture est parfois brutale et mal vécue, ce qui n’aide pas au sevrage. Mettre des mots sur les ressentis maternels sera utile pour bien accompagner cette étape.

Passer du sein au biberon, c’est accueillir de nouvelles sensations en bouche. La tétine du biberon n’a ni le goût ni la consistance du sein. Bébé le sent et cela peut lui demander un temps d’adaptation.
Le goût du lait change également, si les parents choisissent de donner un lait maternisé. En effet, le lait de la maman a une composition spécifique et de multiples saveurs qui varient en fonction de ce qu’elle a mangé. Le lait maternisé (lait en poudre) a une consistance et un goût uniformes, ce qui peut déstabiliser le bébé dans un premier temps. Cela demande, là encore, un peu de patience pour accompagner bébé.

Contenu et contenant : comment faire pour aider bébé à accepter le biberon ?

Dans un premier temps, on peut donc proposer au bébé du lait maternel dans un contenant différent. Si c’est envisageable, la maman peut tirer son lait et le donner dans le biberon pour faire une transition en douceur. Le changement sera donc uniquement le biberon et pas son contenu, avec un lait que bébé connaît déjà et savoure depuis plusieurs mois.
Le lait maternel est à température corporelle, c’est pourquoi on peut tiédir le lait maternisé pour s’approcher de la température qui convient au bébé.

Lorsque l’on passe du sein au biberon, bébé va devoir s’habituer à un « matériel » différent. Le goût de la tétine n’est pas celui du sein, et même avec des tétines dites physiologiques, la forme diffère de celle d’un mamelon. Certains parents essaient plusieurs tétines différentes pour trouver celle qui convient à leur bébé : silicone ou caoutchouc, plutôt plate ou arrondie, souple ou plus rigide, le choix est vaste.
Parfois, il est intéressant de lui présenter des biberons d’eau. Cela peut débloquer la situation, en l’habituant tranquillement à ce nouveau contenant.

Qui doit donner le biberon ?

Imaginez que vous êtes au régime et que vous vous trouvez devant un placard rempli de délicieux chocolats : la tentation sera grande d’aller l’ouvrir pour vous servir. On peut imaginer que, pour le petit bébé, se trouver près du sein de maman lors de la prise des premiers biberons peut représenter une difficulté supplémentaire, une frustration qu’il faut accompagner en douceur. Il est donc parfois intéressant de demander à l’autre parent ou à une personne de l’entourage de donner les premiers biberons, en s’éloignant de la maman. Cela peut aussi être utile si la maman veut limiter les montées de lait qui risquent de se produire à l’heure des repas.

Et si personne n’y arrive ?

Parfois tout le monde a essayé de donner le biberon : papa, marraine, tonton…et rien n’y fait. Toutes les tétines possibles ont aussi été proposées, sans succès. On a même changé de marque de lait, on s’est promené et on a chanté des chansons tout en donnant le biberon. C’est la panique, bébé ne se nourrit plus !
En fonction de l’âge du bébé, les recommandations nutritionnelles évoluent. Entre 4 et 6 mois il boit en général entre 750 et 900ml de lait par jour, et la quantité de lait diminuera avec la diversification. Mais le lait ne doit pas forcément être donné sous forme liquide ou dans le biberon.
Il existe plusieurs solutions pour que bébé boive du lait. On peut, par exemple, lui proposer de boire au biberon cuillère : c’est un biberon dont l’embout a une forme de cuillère que bébé va mettre en bouche. On peut aussi tout simplement essayer à la tasse ou au verre. Malheureusement, ces techniques semblent parfois assez longues, ce qui peut décourager les parents.

Le plus simple est souvent de proposer les laitages à la cuillère, sous forme de yaourt, petit-suisse ou fromage blanc au lait infantile. Le lait de vache que boivent les enfants plus grands n’est pas adapté aux petits. Heureusement il existe au rayon bébé des laitages adaptés aux besoins des nourrissons. Donner les laitages à la cuillère permet de couvrir les besoins nutritionnels du bébé, tout en continuant à lui proposer très régulièrement le biberon.

Quand bébé est plus grand, on peut lui apprendre à boire à la paille avec une gourde d’apprentissage. C’est très bon pour l’aider à utiliser tous les muscles de sa bouche et cela permet de proposer du lait de façon ludique. Enfin, il arrive que bébé se mette à boire au biberon plusieurs semaines après la date souhaitée par ses parents, alors même qu’on pensait qu’il ne s’y intéresserait jamais et que tous les laitages étaient donnés à la cuillère. À force de laisser un biberon à disposition, il pourra s’en saisir et se l’approprier.

Alors, ce n’est pas un trouble de l’oralité ? Le trouble alimentaire pédiatrique est une perturbation de l’alimentation qui est durable et qui est en lien avec des difficultés médicales, nutritionnelles ou un manque de compétences sensorielles ou motrices. Dans le cas de Clémence, il s’agit probablement d’une phase de transition un peu difficile, sans retentissement sur ses futures compétences alimentaires. Si les parents ont un doute, ils peuvent en parler avec leur pédiatre ou leur médecin traitant, qui saura les orienter vers un orthophoniste.