Théophile a 10 ans. Ses parents constatent que ses résultats scolaires sont irréguliers. C’est pareil pour les devoirs. Parfois, ils sont faits en 15 minutes, d’autres fois, ils sont interminables. Ils ne comprennent pas pourquoi leur fils est capable de bien faire un jour puis d’échouer le lendemain. Quand il a une bonne note, ils lui disent « tu vois, quand tu veux, tu y arrives ! », pensant l’encourager. Mais si Théophile réussit ou échoue, ce n’est pas qu’une question de volonté.
Le fait qu’un enfant avec un Trouble Spécifique du Langage Écrit réussisse parfois une tâche puis échoue une tâche similaire peut être expliqué par ce trouble.
Les résultats dépendent de l’exercice :
Les performances d’un enfant avec un Trouble Spécifique du Langage Écrit peuvent varier en fonction du type d’exercice. Par exemple, il peut se montrer à l’aise avec des mots qu’il a déjà vus et avoir une bonne note à une dictée contenant ces mots. Mais, il peut aussi échouer quand il s’agit de mots connus, de mots nouveaux, complexes ou quand la quantité à écrire est importante.
Efforts et fatigue :
Quand on a un Trouble Spécifique du Langage Écrit, c’est plus difficile de reconnaître automatiquement les mots et de se souvenir de leurs irrégularités. L’enfant doit faire beaucoup d’efforts pour penser à tout, simultanément. Rien n’est automatique. Il fait plus d’efforts que les autres pour obtenir des résultats qui ne sont pas à la hauteur de son travail. Il a plus de mal à traiter les informations écrites. Cela lui prend plus de temps et lui demande plus d’énergie.
Si l’enfant est reposé, la tâche a effectuer a des chances de réussir. Mais la fatigue mentale accumulée au cours de la journée va rendre une tâche similaire plus difficile en fin de journée. C’est pour cela que les devoirs peuvent s’éterniser. L’enfant peut aussi faire de nombreuses erreurs pour une leçon qu’il connaissait par cœur peu de temps avant.
Une tâche, plusieurs étapes
Certaines tâches peuvent être très gourmandes en énergie et en attention, ce qui peut augmenter les possibilités d’erreurs. Par exemple, lire et comprendre un texte plus complexe ou plus long que d’habitude, réaliser un exercice contenant des mots inconnus ou mal maîtrisés est plus coûteux au niveau de l’attention, de la réflexion et de la concentration. C’est aussi le cas lorsqu’il s’agit de produire un écrit, comme une rédaction. Ce genre d’exercice est laborieux pour un enfant présentant un Trouble Spécifique du Langage Écrit car il lui faut gérer plusieurs points en même temps : retenir la consigne, réfléchir à ce qu’il veut écrire, l’écrire en pensant à la structure des phrases, à l’orthographe des mots, à la conjugaison des verbes et au respect des accords. Au contraire, un exercice à trous avec un seul mot à écrire (par exemple, un verbe à conjuguer au temps demandé) sera plus facile à réaliser car ne il ne porte que sur un point précis.
Il faut savoir que les Troubles Spécifiques du Langage Écrit sont liés à un fonctionnement cérébral particulier. Le Trouble Spécifique du Langage Écrit fait partie des Troubles Neuro Développementaux : les TND. Le cerveau traite les informations écrites différemment en fonction de la présence ou non d’un trouble. En fonction de la fatigue ou de la difficulté de la tâche à réaliser, la performance peut être inconstante car le cerveau ne traite pas toujours de la même manière une même information.
Le rôle de la mémoire de travail :
Un enfant présentant un Trouble Spécifique du Langage Écrit a souvent des difficultés avec la mémoire de travail. Cette mémoire permet de garder et manipuler temporairement des informations nécessaires pour effectuer des tâches demandées. C’est une capacité essentielle au quotidien pour des activités comme suivre une conversation, résoudre un problème, lire un texte ou retenir un numéro de téléphone le temps de le composer ou le noter. Une fois la tâche accomplie, l’information est soit stockée ailleurs dans le cerveau si elle est importante, soit oubliée.
La mémoire de travail est donc constamment sollicitée, encore plus quand le travail à effectuer est long ou complexe. Donc si une personne dyslexique doit réaliser un exercice exigeant qui contient plusieurs éléments à retenir ou des éléments complexes dont elle n’a pas l’habitude, sa mémoire de travail risque d’être rapidement surchargée, saturée. La tâche peut donc être partiellement échouée ou demander beaucoup de temps avant d’être terminée. Au contraire, si l’exercice est moins exigeant, la mémoire de travail sera moins sollicitée et il sera réussi plus facilement.
L’influence de l’environnement :
Un enfant, surtout s’il présente un Trouble Spécifique du Langage Écrit, va sans doute obtenir de meilleurs résultats s’il travaille dans un environnement calme et sans distractions. En effet, cela peut permettre une meilleure concentration et donc de meilleures performances. Un environnement bruyant, stressant, avec du monde qui circule autour de l’enfant peut exacerber les difficultés. Ainsi, un enfant se trouve souvent dans des conditions favorables pendant une séance d’orthophonie et peut se sentir moins à l’aise en classe, car dérangé par ses camarades et les bruits de la classe. Porter un casque anti-bruit quand il se sent dans l’inconfort peut constituer une solution pour protéger sa concentration.
Motivation et confiance en soi :
Que l’on soit dyslexique ou non, la motivation et l’état émotionnel jouent un rôle essentiel dans les apprentissages. Ainsi, un enfant avec un Trouble Spécifique du Langage Écrit qui fait preuve de motivation et se montre volontaire aura sans doute de meilleurs résultats qu’un enfant moins motivé. C’est la même chose pour un enfant qui se sait soutenu par ses parents, ses enseignants : il aura certainement envie de poursuivre ses efforts qui seront payants. A l’inverse, un enfant manquant de confiance en lui, présentant un sentiment d’échec, peu soutenu ou encore soumis à une pression excessive (venant de lui ou d’adultes) risque d’enchaîner les contre-performances, ce qui peut renforcer cette insécurité.
Les enfants présentant un Trouble Spécifique du Langage Écrit ont souvent un manque de confiance en eux, il est donc essentiel d’encourager les efforts et d’être vigilant à leur bien-être.
Les effets des stratégies compensatoires :
Beaucoup d’enfants dyslexiques développent des stratégies pour contourner leurs difficultés. Mais elles ne sont pas toujours efficaces et dépendent de ce qu’il faut faire. Une stratégie qui fonctionne pour une tâche simple ou pour une matière scolaire peut ne pas fonctionner pour une tâche plus compliquée ou ne fonctionner que pour un type d’activité précis. Par exemple, apprendre et retenir une leçon d’histoire avec des dates demande la mise en place d’une stratégie qui peut se révéler inefficace pour une leçon de géométrie.
Comment aider ?
Pour qu’il puisse obtenir des performances plus stables et moins dépendantes de facteurs extérieurs, il est possible d’aider un enfant avec un trouble des apprentissages. Par exemple, on peut :
- adapter les tâches à son niveau et ses capacités, en simplifiant les consignes
- lui offrir des pauses régulières pour éviter la fatigue
- lui fournir un environnement calme et encourageant
- lui proposer des outils compensatoires (règles colorées, logiciels de lecture ou d’orthographe)
- travailler sur la confiance en soi en l’encourageant après chaque effort
De telles aides peuvent se mettre en place à la maison, à l’école, au cabinet d’orthophonie. Certaines sont faciles à appliquer tandis que d’autres demandent des aménagements et des aides spécifiques.
Un enfant qui présente un trouble spécifique des apprentissages voit ses performances varier au cours d’une même journée, en fonction de son niveau de fatigue et de ce qui lui est demandé. Il peut donc obtenir de bons résultats, réaliser et réussir un exercice rapidement. Puis, peu de temps après, il peut échouer un exercice qui ne semble pas plus compliqué que le précédent. Ses performances ne dépendent pas seulement de sa bonne volonté. Penser que « quand il veut, il peut », n’est pas constructif. Il est important que ses proches et ses enseignants l’aident efficacement. Certaines aides sont très faciles à mettre en place et relèvent même du bon sens tandis que d’autres demandent plus de réflexion et sont à envisager avec les équipes enseignantes et l’orthophoniste si l’enfant est suivi.