Quelles sont les raisons possibles à cette voix nasonnée ?
Première possibilité : Clémence est peut-être toujours encombrée.

Elle est enrhumée tout l’hiver. L’air qui doit circuler par son nez passe mal et donne une voix nasale comme quand nous sommes enrhumés. Les sons déjà produits par Clémence sont moins nets. Les sons du français qui doivent passer par le nez sont encore plus nasaux que d’habitude. Ce sont les sons M N GN AN ON IN. Ainsi, le mot /maman / devient très nasal.
De grosses amygdales peuvent aussi expliquer que Clémence ait du mal à produire les sons K G R car ils sont produits très en arrière dans la bouche et le voile du palais. On parle d’hypernasalité ou de rhinolalie fermée.
La nasalité peut être liée à de grosses amygdales ou végétations, un « rhume » chronique ou des allergies. La visite chez un ORL est donc importante pour écarter ces explications.
Il sera peut-être nécessaire de réduire les amygdales et/ou les végétations pour permettre une meilleure circulation des sons et respiration, voire pour faciliter la déglutition car les aliments peuvent être difficiles à avaler.
C’est une opération fréquente mais qui nécessite un vrai repos après. Ses bénéfices sont vraiment rapides. On peut la pratiquer aussi chez les adultes avec les mêmes indications et les mêmes conséquences. Parfois, un suivi orthophonique est nécessaire après ces interventions.
Mais Clémence a peut-être tout simplement besoin d’un traitement de fond pour des allergies ou troubles respiratoires. C’est l’entretien et l’examen cliniques de l’ORL qui le détermineront.

Deuxième possibilité : Clémence souffre peut-être d’insuffisance vélaire aussi appelée parfois rhinolalie ouverte.

Il existe deux catégories de sons : ceux pour lesquels l’air passe par le nez comme [m] et [n,] et ceux qui nécessitent que l’air ne passe que par la bouche (presque toutes les consonnes et beaucoup de voyelles). Il faut alors que le nez soit isolé de la bouche. L’air ne doit pas passer par le nez. Ce qui va permettre d’isoler le nez de la bouche c’est ce qu’on appelle le voile du palais. C’est un ensemble de cinq muscles qui se trouve dans le prolongement du palais dur. Dans ce cas, les sons nasaux sont hyper nasaux, mais les sons oraux le sont aussi, voire sont impossibles à produire.
Ici, les amygdales et végétations ne sont pas en cause.

Si le voile du palais fonctionne mal, Clémence parlera du nez. Elle aura aussi peut-être d’autres troubles comme des otites voire des passages d’aliments ou de liquides par le nez. L’ORL peut mettre en évidence ces troubles et notamment une malformation du voile du palais, mais tous n’ont pas cette expertise. C’est pourquoi en cas de persistance des troubles et s’ils sont très sévères (perte d’intelligibilité : on ne comprend pas ce que dit l’enfant), il est préférable de se rendre dans un centre de compétence MaFace.

Comment se passera la consultation dans un centre si on veut confirmer le diagnostic d’insuffisance vélaire ?

Chaque centre MaFace à sa manière de procéder et donne la marche à suivre pour obtenir un rendez-vous sur le site tete-cou.fr. En général, l’enfant est reçu par un orthophoniste et un chirurgien spécialisé.
Les deux spécialistes vont poser beaucoup de questions sur l’histoire médicale de Clémence mais aussi de ses parents. Ils vont rechercher des signes qui peuvent mettre en évidence cette insuffisance vélaire : passage d’aliments par le nez et difficultés à téter dans les premières semaines de vie, otites à répétition, voix nasonnée, consonnes difficiles à produire, antécédents de ce type de troubles ou de fentes palatines dans la famille.

L’orthophoniste et le chirurgien vont aussi faire parler Clémence afin d’apprécier sa voix mais aussi de repérer des troubles souvent liés à l’insuffisance vélaire. Ces troubles sont plus ou moins sévères. Cela peut être une voix nasonnée, des sons oraux qui sont remplacés par des sons nasaux comme dire /mama/ au lieu de papa ou /nano/ pour gâteau, des signes de forçages qui se traduisent par des sortes de grimaces appelées syncinésies. Celles-ci sont centrées autour du nez ou entre les sourcils et témoignent des efforts de l’enfant pour réaliser un son qui devrait se faire naturellement. Il sera important d’évaluer si Clémence est non-intelligible. Souvent, les parents comprennent bien leur enfant mais ce n’est pas le cas en dehors du cercle familial.

Enfin, les deux professionnels observeront la cavité buccale de Clémence en lui demandant d’ouvrir la bouche. Ils regarderont le voile du palais afin de repérer une éventuelle anomalie : bifidité (le petit grelot au fond de la gorge est divisé en deux), mauvaise contraction des muscles du voile du palais. Clémence devra aussi dire un grand /a/ plusieurs fois pour que l’on puisse observer son voile en fonctionnement. L’orthophoniste lui demandera de produire aussi des consonnes orales sur un petit miroir pour voir s’il y a une fuite d’air quand elle parle.On peut souffrir d’insuffisance vélaire sans qu’il soit possible d’en donner la raison, juste par faiblesse du système.
Parfois, on découvre ce que l’on appelle une fente sous-muqueuse. Elle peut toucher la partie musculaire du palais (le voile) ou se prolonger aussi dans la partie osseuse.

Qu’est-ce qu’une fente sous-muqueuse exactement ?

En cas de fente palatine : celle -ci sera très souvent repérée avant la naissance, lors d’une échographie, permettant aux parents de se préparer. Cependant, parfois, la malformation est découverte à la naissance. Quand la fente est sous-muqueuse c’est un peu différent. La malformation est présente mais cachée par la muqueuse. La fente sous muqueuse est une malformation difficile à mettre en évidence. C’est pourquoi, quand le bébé ouvre grand la bouche on ne voit pas de fente. En cas de fente palatine ou de fente sous-muqueuse, tous les muscles et les os sont présents. Il ne manque rien au bébé. Mais pendant les premières semaines de grossesse certains muscles et/ou os ne se sont pas tout à fait accolés.
C’est une malformation difficile à mettre en évidence, même pour un ORL. On peut aussi avoir une fente sous-muqueuse mais pas d’insuffisance vélaire. C’est pourquoi, la consultation en centre est très importante pour confirmer le diagnostic.

Que se passe-t-il si l’insuffisance vélaire de Clémence est confirmée ?

Dans tous les cas, il sera important de bien expliquer à Clémence et ses parents pourquoi elle a tant de mal à parler. Parfois, il faut rappeler que les efforts et la rééducation orthophonique ne suffisent pas toujours.
En l’absence de fente sous-muqueuse on débutera par un suivi orthophonique pour apprendre à mieux utiliser ce voile du palais. Si les troubles persistent au-delà de quelques mois, le chirurgien pourra proposer une opération pour limiter la fuite d’air.
En cas de fente sous-muqueuse on proposera le plus souvent de remettre les structures en place, sauf si les troubles orthophoniques sont mineurs.
Dans tous les cas, les patients seront revus régulièrement dans le centre pour suivre leur évolution orthophonique avec la croissance.

La mise en évidence d’une insuffisance vélaire n’est pas toujours facile, même pour un ORL. Les orthophonistes sont souvent à l’origine du diagnostic en raison de leur expérience, mais ils ne connaissent pas toujours les centres de compétence MaFace.
Un diagnostic précoce est gage d’un meilleur développement de la parole et du langage de l’enfant. Il peut éviter à Clémence de souffrir de moqueries et de troubles articulatoires.
C’est pourquoi, si les soins orthophoniques sont insuffisants, on se dirigera vers les centres spécialisés Maface dont les coordonnées sont disponibles sur le site de la filière maladies rares : tete-cou.fr. 23 centres de compétences labellisées en métropole et 1 sur l’île de la Réunion.
Ces centres représentent le parcours de soins maladies rares pour éviter l’errance diagnostique. Ces centres sont là pour effectuer le bilan et le diagnostic. Ainsi, si une chirurgie s’avère nécessaire, Clémence sera naturellement prise en charge et suivie par l’orthophoniste et le chirurgien qui l’auront reçue. Dans un deuxième temps : Clémence pourra être suivie pour la rééducation chez un orthophoniste près de chez elle.