À 30 ans, Thomas est gêné par sa façon de parler. Né avec une fente labio-palatine, il a été opéré plusieurs fois quand il était enfant. Aujourd’hui, il s’interroge : un orthophoniste peut-il encore l’aider ? À qui peut-il s’adresser ?

Son histoire

Depuis quelques temps, Thomas s’interroge sur son histoire. Il sait qu’il est né avec une fente labio-palatine, une malformation touchant son palais et sa lèvre. Ses parents lui ont dit qu’il avait été opéré trois fois avant ses 6 ans. Il se souvient également d’être allé quelques années chez l’orthophoniste. Puis la priorité avait été mise sur ses dents et la prise en charge orthodontique. À 16 ans, lassé de tous ces suivis et alors qu’une opération était évoquée autour de ses 18 ans, il a refusé. Ses parents et lui ont espacé les rendez-vous. Ils ont déménagé et finalement Thomas a fait retirer ses bagues sans reprendre contact avec le service hospitalier qui le suivait.
Alors qu’il travaille de plus en plus en visioconférence, il remarque qu’on lui demande régulièrement de répéter. Est-ce que reprendre un suivi orthophonique pourrait l’aider ?
Il a construit sa vie sentimentale. Avec sa conjointe, ils envisagent de fonder une famille. Est-ce qu’ils sont plus à risques de concevoir un enfant avec une fente ? Son enfant risque t-il de parler comme lui ?
Thomas ne sait pas vraiment à qui s’adresser. Il a bien posé quelques questions à ses parents mais en constatant leur émotion, il n’a pas insisté.

Par où commencer ?

Thomas peut contacter le service qui l’a opéré quand il était nourrisson ou le service qu’il a fréquenté après avoir déménagé. Si le chirurgien qui a opéré Thomas n’exerce plus, le dossier médical est toujours consultable, jamais détruit. Thomas pourra s’adresser à la commission des usagers de l’hôpital pour obtenir son dossier.
Dans le cas où l’hôpital n’accueille que des enfants, une consultation adulte est toujours possible. Thomas sera ensuite adressé à des professionnels qui suivent les adultes.
Enfin, il existe 24 centres de référence et compétence Maface. Ces centres regroupent les professionnels qui traitent des fentes et malformations faciales en France. Ainsi, Thomas peut consulter le site tete-cou.fr pour retrouver le centre le plus proche et consulter une équipe experte.

L’orthophonie à 30 ans ?

Thomas peut consulter son médecin généraliste qui l’adressera vers un orthophoniste. Le rôle de ce soignant est capital. L’orthophoniste écoutera la demande de Thomas et comprendra ses attentes. Le bilan ne constitue pas seulement une évaluation. En effet, dans une telle situation, il est important de reconstituer le parcours chirurgical du patient, en particulier s’il a du être ré-opéré. Ce n’est pas simple car Thomas ne peut pas se souvenir de tout et certains termes médicaux sont difficiles à retrouver.

L’évaluation de la parole

Les tests réalisés avec l’orthophoniste évoquent des souvenirs à Thomas.
L’orthophoniste l’interroge sur d’éventuels passages d’aliments ou de liquides par le nez. En effet, le spécialiste a repéré de légères fuites d’air sur certains sons grâce à un miroir. Il les perçoit parfois à l’oreille, en écoutant son patient parler. Ces fuites pourraient s’expliquer par un trou résiduel malgré les chirurgies, une fistule. Pour Thomas, ce n’est pas le cas.
Le bilan met en évidence une insuffisance vélaire très légère : le voile du palais laisse passer un peu d’air expliquant ainsi le manque de précision articulatoire.

L’orthophoniste met en évidence des troubles articulatoires audibles sous forme de sigmatisme « zozotement ». Ces troubles sont liés à de mauvaises positions dentaires. En effet, la mâchoire de Thomas n’a pas grandi de manière harmonieuse. Il y a un décalage de plusieurs millimètres entre sa mâchoire du haut, en retrait par rapport à sa mâchoire du bas. Même avec un traitement orthodontique, on ne peut pas rattraper ce déficit de croissance osseuse et les troubles qu’il provoque. C’est ce que devait corriger la chirurgie refusée par Thomas à l’adolescence.

Expliquer la malformation

Ces malpositions dentaires et osseuses sont fréquentes chez les patients nés avec une fente labio-palatine et cette chirurgie de fin de croissance est nécessaire pour environ 20 % d’entre eux. Cependant, ce n’est jamais une obligation. L’orthophoniste replace cet acte dans le cadre de tout le suivi de Thomas. Il explique que c’est la malformation la plus fréquente chez les nouveaux nés et qu’aujourd’hui encore on n’en explique par totalement les causes.
Il revient aussi sur l’anatomie du palais qui a été réparé et les raisons pour lesquelles certains patients ont un timbre de voix nasal et des troubles articulatoires même après réparation.

Et si les besoins n’étaient pas qu’orthophoniques ?

Avec son bilan et ses échanges avec l’orthophoniste, Thomas a intégré l’importance de la chirurgie. Il pourra faire le point avec le chirurgien s’il le souhaite.

L’orthodontie, un pré-requis et la chirurgie, le recours

Thomas sait que la réponse à ses plaintes était surtout liée au positionnement de sa mâchoire. Cela implique donc avant tout suivi orthophonique de refaire un bilan orthodontique. Le chirurgien présentera un plan de soins possible et en discutera avec lui pour éclairer sa décision.

Lorsqu’un patient n’a plus de contact avec l’équipe soignante qui l’a opéré, alors l’orthophoniste peut l’orienter vers un centre Maface.
Enfin, à l’occasion de ce rendez-vous il encouragera aussi Thomas à interroger le chirurgien sur son désir de fonder une famille et donc sur les précautions à prendre pour minimiser le risque de transmettre sa malformation à son futur enfant.

Il est toujours possible de se faire opérer à l’âge adulte d’une séquelle fonctionnelle et/ou esthétique de fente labio-palatine. Trouver le bon interlocuteur n’est en revanche pas toujours facile. L’orthophoniste est un professionnel incontournable de ces suivis, du nourrisson à l’adulte. Par son bilan, il contribue à préciser la nature et l’origine des troubles de la voix et de l’articulation.
Il est aussi le plus adapté à orienter le patient vers un centre expert dans le cas où celui-ci n’en aurait pas connaissance.