«Mon prof m’a dit d’aller chez l’orthophoniste pour voir si je suis dyscalculique et pour faire une rééducation. J’ai un copain que ça a fait rire parce que l’orthophonie, c’est pour les petits. Une autre copine m’a dit que, chez l’orthophoniste de son frère, il y avait des ados. Je ne sais pas trop quoi en penser. Aller chez l’orthophoniste, c’est peut-être un peu la honte à 14 ans et de toute façon, je suis nul en maths ! Pas sûr que des cours d’orthophonie, ça change quelque chose…»

De quoi on parle ?

Certains enfants ou adolescents peuvent présenter des difficultés particulières en mathématiques, c’est-à-dire dans l’utilisation des nombres et du calcul, au cours de leur développement, qui vont gêner leur scolarité mais aussi des activités de la vie de tous les jours en grandissant puis à l’âge adulte. On parle actuellement de trouble spécifique des apprentissages en mathématiques ou parfois de dyscalculie (qui est un terme un peu plus ancien) :

  • si les difficultés sont durables depuis au moins six mois (résultats nettement inférieurs à ce qui est attendu en classe et lors de tests)
  • si les difficultés ont commencé pendant la scolarité malgré une scolarisation normale, des efforts adaptés, un soutien scolaire ou une rééducation
  • alors qu’il n’y a pas apparemment de raison psychologique, sensorielle (vue-audition), médicale, neurologique, sociale ou mentale pouvant expliquer ces difficultés.

Parfois, ces difficultés sont là depuis les petites classes de l’école primaire, mais elles peuvent aussi devenir visibles seulement au collège, à l’adolescence parce que l’enfant a réussi jusque-là à compenser, par exemple, en apprenant des choses par cœur. Quand il y a de plus en plus de notions mathématiques à traiter et qui vont se compliquer, l’adolescent est dépassé (on parle de surcharge cognitive) et il ne parvient plus à compenser.

En quoi c’est gênant au collège ou au lycée ?

Quand on est adolescent, la dyscalculie peut gêner :

  • la lecture ou l’écriture des grands nombres
  • le calcul, même avec des petits nombres ou l’utilisation de la calculatrice (savoir quels nombres et quels signes utiliser)
  • la compréhension de nouveaux apprentissages sur les fractions, les nombres décimaux, les équations, les nombres relatifs, etc.

Le trouble des apprentissages en mathématiques peut aussi porter sur le raisonnement, en particulier les problèmes et démonstrations mathématiques. Par exemple, un adolescent peut avoir une lecture performante, avec une bonne compréhension pour la plupart des textes, mais rencontrer des difficultés dans la compréhension et le traitement d’un énoncé de problème. Cela peut être lié à des difficultés de mémorisation, de concentration, de connaissance du vocabulaire mathématique, de logique (organisation des données, planifier les étapes de résolution). Il peut aussi s’agir de difficultés à vérifier ses résultats et/ou de difficultés plus profondes de «traitement du nombre», c’est-à-dire l’impossibilité à se représenter mentalement des quantités (en avoir une image dans la tête), savoir les comparer entre elles immédiatement, estimer un résultat, etc.
Au collège et au lycée, ces troubles peuvent avoir un impact en cours de mathématiques mais aussi dans d’autres cours dans lesquels il faut parfois calculer et raisonner (physique-chimie, sciences économiques, histoire-géographie, etc.).

Quel rapport avec l’orthophonie ?

Si le professeur a conseillé de consulter un orthophoniste ou si l’adolescent se sent lui-même en grande difficulté malgré ses efforts et qu’il en souffre, la première étape est de chercher s’il peut y avoir une aide au sein du collège (aide personnalisée, aide aux devoirs, cours particuliers, etc.) ou par l’entourage. Dans certains cas, du soutien scolaire suffit. Si cela ne suffit pas, l’orientation vers un orthophoniste est à envisager. Il est tout à fait possible, à l’âge du collège ou du lycée et au-delà, à l’âge adulte.

L’orthophonie n’est pas du soutien scolaire. Cela fait partie des compétences de tous les orthophonistes de s’occuper des troubles des apprentissages en mathématiques. L’orthophonie est un soin, qui est remboursé par la sécurité sociale et les mutuelles. La première étape est donc d’en parler à son médecin traitant qui peut prescrire un bilan orthophonique.

Lors du bilan, l’orthophoniste commence par discuter avec l’adolescent et ses parents sur son histoire, l’apparition des difficultés, ses besoins et ses attentes. L’orthophoniste propose ensuite des tests sur papier ou sur ordinateur pour évaluer ce que l’adolescent peut réussir en mathématiques et ce qui pose problème. Certains tests ressemblent à des exercices de mathématiques comme au collège ou lycée, mais d’autres tests évaluent des compétences qui sont en lien avec les mathématiques mais ne sont pas apprises ou travaillées au collège ou lycée : comment la personne se débrouille avec des quantités, les nombres, la rapidité de réaction ou la mémorisation de nombres, les stratégies, la logique. Dans certains cas, l’orthophoniste peut aussi proposer d’effectuer un autre bilan plus orienté sur la compréhension fine du langage oral ou écrit.

Qu’est-ce que peut faire l’orthophoniste avec l’adolescent ?

À la fin du bilan, l’orthophoniste explique les résultats des tests et fait le lien avec les difficultés rencontrées à l’école. L’orthophoniste peut proposer ensuite, si nécessaire, une intervention (on dit aussi rééducation), c’est-à-dire des séances régulières pendant lesquelles des entraînements et des méthodes sont mises en place pour aider l’adolescent. Ce ne sont pas forcément des exercices correspondant au programme scolaire. L’orthophoniste n’est pas là pour réexpliquer les cours de mathématiques. Le but n’est pas non plus d’obtenir «de bonnes notes» en classe mais plutôt de développer ou restaurer des bases et des stratégies utiles aux apprentissages scolaires et dans la vie de tous les jours.

L’orthophoniste discute avec l’adolescent (et ses parents) du type d’intervention, de son rythme (une à plusieurs fois par semaine ou séances espacées) et des objectifs ou buts qui peuvent être atteints. Ensemble, l’adolescent et l’orthophoniste définissent les objectifs prioritaires, les méthodes et parfois le temps qui sera consacré à chaque objectif. Des entraînements entre les séances sont éventuellement proposés en autonomie. L’adolescent devra alors s’engager à effectuer régulièrement ces entraînements pour que le traitement soit efficace. D’une part, cela lui permettra de progresser plus vite et en mesurant ses propres progrès, d’être davantage motivé. D’autre part, cela facilitera le transfert vers les mathématiques en classe et dans la vie de tous les jours.

Par exemple, si c’est un des objectifs choisis ensemble, les entraînements au cabinet et entre les séances pourront porter sur une amélioration de la lecture des grands nombres pour la précision (lire sans erreur) ou lire plus vite (la fluidité).
Autre exemple, si l’objectif pour l’adolescent est d’améliorer la résolution de problèmes, des stratégies d’analyse des énoncés pourront être entraînées ou encore l’organisation pour savoir choisir les opérations correctes (on parle aussi de planification des étapes). L’orthophoniste et l’adolescent pourront aussi mettre en place une méthode pour vérifier si le résultat d’un problème «a du sens» et va bien avec l’énoncé et la question posée.
En parallèle ou même en l’absence d’une rééducation orthophonique, l’orthophoniste peut aussi conseiller l’adolescent et ses parents sur des demandes d’aménagement en classe.

Consulter un orthophoniste quand on est adolescent et que l’on a des difficultés d’apprentissage en mathématiques est possible et n’a rien de honteux. Il s’agit de ne plus se considérer comme «nul en maths» mais d’affronter ses difficultés avec l’aide de l’orthophoniste, après en avoir compris l’origine ou les causes. L’orthophoniste, avec ses compétences différentes de celles du professeur de mathématiques, peut accompagner l’adolescent pour qu’il se sente «plus confortable» avec les mathématiques mais la motivation de l’adolescent, son observance du traitement (c’est-à-dire l’engagement à s’entraîner, la régularité, les efforts menés) sont déterminants.