Pour certains patients atteints d’un cancer du larynx, une intervention chirurgicale lourde est proposée, c’est la laryngectomie totale. Elle entraîne des modifications pour parler, pour respirer et parfois pour manger.

Qu’est-ce qu’une laryngectomie totale ?

Pour respirer, manger, parler, nous utilisons notre larynx qui est un carrefour situé au milieu de notre cou. Ce carrefour sert à la voix, grâce aux cordes vocales qui vibrent ensemble. Il sert aussi à la respiration et à la déglutition, en permettant aux aliments de se diriger vers l’œsophage.
Il arrive qu’un cancer situé dans le larynx nécessite une intervention chirurgicale qu’on appelle laryngectomie totale. Dans ce cas, on retire les cordes vocales et les structures qui sont autour. Cette opération va apporter des changements pour respirer, sentir, manger et parler.

À quoi sert le trou dans la gorge ?

Après une laryngectomie totale, la trachée est déviée vers l’avant du cou. La personne opérée respire désormais toujours par cette ouverture, que l’on appelle trachéostome. Habituellement, l’air qui arrive à nos poumons est réchauffé, humidifié et filtré par notre nez et notre gorge. Après une laryngectomie totale, il faut remplacer ce filtre naturel par un filtre artificiel, qui se présente sous la forme d’un petit bouchon en plastique avec une mousse filtrante, que le patient doit porter 24h/24. Parfois, il faut aussi qu’il garde un tube dans le trachéostome afin de le garder suffisamment large pour permettre une bonne respiration. Ce tube s’appelle une canule, elle peut aussi être utilisée après des chirurgies moins lourdes, mais de manière transitoire (le temps que le patient puisse à nouveau respirer par son nez et sa bouche).
Après une laryngectomie totale, le patient ne respire donc que par le trachéostome, et plus par la bouche ni le nez : c’est définitif. Cela signifie qu’il ne pourra plus se baigner en mer ou dans une piscine car il ne peut pas se mettre en apnée et empêcher l’’eau de rentrer dans ses poumons. Pour la douche il utilise un dispositif de protection spécifique.

L’opération a-t-elle un impact sur l’odorat et le goût ?

Habituellement, nous sentons les odeurs grâce au flux d’air qui arrive jusqu’à l’arrière de notre nez. De même le goût dépend de ce flux d’air, puisqu’une partie du goût est liée à l’odorat. Après une laryngectomie totale, il n’y a pas de flux d’air naturel à l’arrière du nez ce qui est déstabilisant au départ, mais il est tout à fait possible de sentir à nouveau les odeurs en aspirant un peu l’air soit par la bouche, soit par le nez. Ces techniques s’apprennent avec un orthophoniste.

Est-ce difficile de manger ?

Après une laryngectomie totale, on ne peut plus faire de fausse route (avaler de travers) puisque le carrefour entre la respiration et l’alimentation n’existe plus. Généralement, après un temps de cicatrisation, le chirurgien vérifie que les sutures sont bien étanches et l’on peut manger à nouveau normalement. Il se peut cependant que des difficultés persistent. Le chirurgien a pu toucher à des muscles qui aident à la descente des aliments. Il y a eu parfois des traitements complémentaires comme de la radiothérapie. Il est donc utile, dans ce cas, d’en parler avec le chirurgien et avec l’orthophoniste pour proposer des techniques qui vont améliorer la déglutition.

Comment peut-on parler si l’on n’a plus de cordes vocales ?

La voix, c’est un passage d’air par un endroit qui se resserre, ce qui permet une vibration. Dans le cas de la laryngectomie totale, le vibrateur naturel (les cordes vocales) n’existe plus. À la place, on va utiliser le haut de l’œsophage (le conduit qui permet d’avaler). Pour cela, on a deux techniques possibles.

1/ Le chirurgien peut poser ce qu’on appelle un implant phonatoire. C’est un petit élément en silicone avec une valve. Grâce à cela, l’air des poumons peut être dirigé vers le haut de l’œsophage, qui va vibrer. On appelle cela la voix trachéo-oesophagienne, puisque c’est l’air de la trachée qui fait vibrer l’œsophage. L’implant doit être changé de manière régulière, le plus souvent tous les 4 à 6 mois. Il peut être posé soit durant la laryngectomie totale, soit un peu plus tard, après la cicatrisation.

2/ Parfois, on ne peut pas poser d’implant. Dans ce cas, il est possible de parler en injectant de l’air par la bouche (un peu comme si on voulait avaler de l’air), et on va ainsi faire vibrer le haut de l’oesophage. Cette technique est appelée voix oro-oesophagienne. Elle est plus difficile à apprendre et à maîtriser mais elle ne dépend pas d’un implant phonatoire donc elle permet davantage d’autonomie.

Quand on a un implant on utilise en général une main pour parler, afin de fermer provisoirement le trachéostome pour forcer l’air à aller vers l’arrière (vers l’œsophage puis la bouche). Il existe aussi des dispositifs pour parler sans les mains. On peut les utiliser quand on maîtrise déjà bien la voix. Quand on parle en voix oro-oesophagienne, il n’y a pas besoin de boucher le trachéostome puisque l’air fait un aller-retour entre la bouche et le haut de l’œsophage (le sphincter supérieur de l’œsophage qui vibre).
Pour bien vibrer il faut que l’œsophage soit dans de bonnes conditions. Le stress a un impact négatif sur la voix, tout comme les tensions et douleurs dans le haut du corps (les épaules, le cou). Parfois une prise en charge en kinésithérapie est utile pour aider à avoir une bonne détente.

Dans ces deux cas, c’est le haut de l’œsophage qui vibre, ce qui va donner une voix plutôt grave, un peu comme quand on a de l’air qui remonte après un repas. Cela peut être déconcertant et peu esthétique, pour le patient comme pour son entourage. On retrouve cependant, avec un peu d’entraînement, les autres caractéristiques qui permettent de reconnaître la personne qui parle : articulation, intonations, mimiques. L’apprentissage se fait avec un orthophoniste, soit en cabinet libéral, soit en centre de rééducation. Il peut être très rapide pour certains et durer plusieurs mois pour d’autres, selon les difficultés rencontrées.

Il arrive parfois qu’aucune voix oesophagienne ne soit possible. On peut dans ce cas essayer des petits appareils qui font vibrer le cou ou les joues du patient et qui permettent de produire du son quand on articule. Cela donne une voix un peu métallique, comme un robot.

Parler comme ça, c’est douloureux ?

Utiliser la voix oesophagienne n’est pas du tout douloureux. Certaines personnes ressentent un peu d’inconfort si une partie de l’air va dans leur estomac au lieu de remonter vers la bouche, mais la technique en elle-même n’est pas douloureuse. On a autant de voix oesophagiennes qu’on a de personnes opérées, il n’y en a pas deux qui se ressemblent si on prête un peu l’oreille.

La laryngectomie totale est une opération lourde. Elle permet de soigner certains cancers de la gorge. Environ 1800 personnes sont opérées chaque année en France d’une laryngectomie totale. Cette intervention modifie leur façon de respirer, manger et parler et modifie leur vie en général. Un accompagnement par différents professionnels est nécessaire et notamment le chirurgien ORL qui retire la tumeur et l’orthophoniste qui permet d’apprendre une nouvelle façon de parler. Des associations de soutien aux patients existent, et des supports pour bien comprendre l’intervention et ses conséquences au quotidien.