Le temps est une construction sociale. Les enfants mettent plusieurs années à l’acquérir. La mise en ordre temporel se construit simultanément avec la capacité de représentation.

Le temps est relatif : lorsque nous sommes en bonne compagnie ou que nous nous adonnons à notre activité préférée, le temps semble s’écouler très vite. À l’inverse, si nous sommes inquiets, que nous avons mal ou que nous nous ennuyons, il paraît s’éterniser. Nous avons ainsi besoin de repères temporels (montres, horloges, smartphones, calendriers) en permanence.
Pour les tout-petits qui eux vivent dans l’instant présent, les notions de « passé » et de « futur » sont difficiles à appréhender. Le temps reste même une notion très abstraite jusqu’à l’âge de 7-8 ans environ. À 4 ou 5 ans, il est fréquent que l’enfant emploie le mot « hier » pour évoquer un évènement qui s’est produit une semaine voire un mois auparavant… Et c’est tout à fait normal.

L’importance du langage… et des routines

Les parents apprennent aux enfants, dès leur plus jeune âge, l’importance du temps : « Dépêche-toi, on va être en retard ! », « Une seconde, s’il te plaît. », « Debout, c’est l’heure ! », « J’arrive dans 5 minutes »… Or les tout-petits sont centrés sur eux-mêmes et vivent dans l’ici et maintenant. Pour rendre la notion du temps plus claire pour l’enfant, on peut partir de ce qu’il vit au quotidien et associer, dans la mesure du possible, une notion associée à une action concrète. Par exemple : « Cet après-midi, tu auras une compote pour le goûter », « Ce soir, c’est papa qui te cherchera à la crèche », « Demain, mamie et papi viendront manger à la maison ».

L’enfant va également se familiariser avec les notions de temps grâce aux comptines (comme « Le facteur n’est pas passé ») et aux livres. Lors de la lecture de son histoire favorite, on peut arrêter la narration et le questionner : « À ton avis, qu’est-ce qui va se passer ensuite ? Oui, c’est ça ! Eliott va casser un œuf ! Oh là là, tu as vu ? Eliott fait tomber l’œuf par terre ! Et voilà, ça a y est ! L’œuf est cassé ! »

Les repères temporels fixes permettent aux plus petits de se créer une routine. Afin de les aider à se situer chronologiquement, il est important de leur fournir les mots désignant le temps : « Avant, tu as pris ton petit-déjeuner, maintenant tu te brosses les dents et après, tu t’habilleras ». Le fait de connaître ce qui se passera « ensuite » (et donc de pouvoir anticiper ce qui va lui arriver) rassure et sécurise l’enfant. C’est également une véritable aide dans l’apprentissage de l’autonomie. L’enfant peut prédire quelle action (se brosser les dents) a lieu à quel moment (après avoir mangé). De manière générale et dès son plus jeune âge, il est important de toujours dire à l’enfant des événements à venir (la venue d’un invité, les sorties, l’absence d’un membre de la famille, un départ en vacances) afin qu’il puisse s’y préparer au mieux et les vivre sereinement.

Le temps vécu

À l’origine était… le rythme ! Dès la naissance, le bébé est capable de produire une multitude d’activités rythmiques (succion, alternance veille/sommeil, activités motrices). Dès 3 jours de vie, il peut modifier le rythme de ses succions de tétine (hors biberon) afin d’obtenir un événement qu’il apprécie : entendre le son de la voix de sa maman par exemple. Vers 2 mois, il réagit aux différences de rythmes qu’il entend.

Le temps perçu

Dès 18 mois, le bébé peut reproduire une action familière en la « mimant » dans son ordre de déroulement : c’est « l’imitation différée ». Il reproduit une conduite passée qu’il a observée (par exemple, son papa qui téléphone) à partir de la représentation qu’il en a conservée en mémoire.

Le temps mémorisé

Entre 2 et 3 ans, l’enfant répète des séquences d’actions avec ses jouets. Il mémorise automatiquement leur temporalité. La durée d’une action particulière dans un contexte précis permet de se construire des capacités d’abstraction. Il commence également à se référer au « nombre de dodos » pour évaluer les durées.

Entre 3 et 4 ans, la vie quotidienne de l’enfant est composée d’actions répétitives et organisées temporellement : se réveiller le matin et se coucher le soir sont deux repères acquis. Cependant, lorsqu’il se réveille d’une sieste, il ne sait pas toujours s’il s’agit du matin ou de l’après-midi. Il comprend la différence entre « hier » et « demain » comme un « avant » et un « après » le moment présent. Il montre de l’intérêt pour le temps et commence à questionner sur les durées : « C’est quand qu’on va à l’anniversaire d’Edgar ? ». Il commence à élaborer des récits de ses expériences sous forme de « scripts ». Il emploie le passé composé et le futur proche ainsi que quelques adverbes (dont le fameux « hier » !)

Entre 4 et 5 ans, l’enfant connaît généralement la succession des noms des jours de la semaine qu’il récite comme une comptine. Cela n’est pas encore très concret pour lui. Il parvient désormais à se décentrer (c’est-à-dire à ne plus vivre uniquement dans l’ici et maintenant) et commence à utiliser les termes « avant » et « après » au sein de son discours.

Le temps construit

À partir de 5 ans, grâce à une organisation journalière répétitive, il parvient à organiser et ordonner les événements de sa journée. Il différencie désormais le matin de l’après-midi.

À partir de 6 ans, avec l’entrée à la « grande école », il utilise un cahier de texte ou un agenda pour noter ses devoirs et va progressivement se repérer plus facilement au sein de la semaine. Il commence à comprendre explicitement que le temps est continu et qu’il ne s’agit pas seulement d’une succession de moments liés à des actions.

Entre 6 et 8 ans, l’enfant saisit les notions de passé, de présent et de futur ainsi que les termes qui y sont associés (« la veille », « après-demain », « le lendemain », etc.). Il peut se projeter davantage, en tant qu’acteur, au sein de son propre emploi du temps : « Le jeudi, c’est le jour de l’informatique ! », « À partir de janvier, il y aura piscine tous les lundis matin. » Vers 7 ans, il apprend à lire l’heure et comprend qu’il existe une relation entre ce qu’il perçoit et le temps que l’on mesure.

Le temps conçu

Vers 9 ans, la coordination entre les différents systèmes (heures, jours, mois) et la compréhension de l’aspect cyclique de ces systèmes sont solidement acquises.

À partir de 11 ans, il acquiert la notion de durée et pense spontanément au temps comme une composante de sa journée. Et cela tombe bien car l’entrée au collège va lui demander une grande capacité d’organisation.

L’acquisition de repères temporels stables est le résultat d’un long processus. Organiser les journées selon un rythme régulier aide l’enfant, dès son plus jeune âge, à mémoriser des moments de référence et à créer des balises temporelles. La notion d’horaire reste longtemps très abstraite pour les enfants, il est donc préférable d’utiliser des repères concrets sous forme d’actions, comme le brossage des dents après le repas ou la lecture d’une histoire avant le coucher. Jour après jour, auprès de ses parents, cet apprentissage va se faire naturellement au gré des explications et des expériences vécues en famille.