Chez l’enfant, les temps de repas sont parfois compliqués. Il peut avoir des difficultés avec les morceaux, avec certaines familles alimentaires (fruits, légumes) ou bien avec le simple fait de devoir rester à table pendant un certain temps.

De manière assez magique, les écrans canalisent les enfants. L’enfant prend ainsi l’habitude de manger devant la télévision ou tout autre écran. Ils deviennent des éléments indispensables aux repas familiaux. Pourtant, le repas a bien d’autres fonctions que le simple fait de se nourrir. Les écrans vont gêner voire empêcher que l’enfant en bénéficie.

Les fonctions d’un repas chez l’enfant

  • Une fonction de nutrition

Le repas nourrit tout simplement l’enfant et doit répondre à ses besoins afin qu’il grandisse et grossisse. Il doit lui permettre d’avoir suffisamment d’énergie pour effectuer ses activités motrices : tourner la tête, mettre les mains à la bouche, faire du 4 pattes, marcher, se relever, courir. Il va aussi nourrir son cerveau, chaque jour lui permet de nouvelles découvertes de son environnement.

La télévision n’empêche pas ce rôle nutritionnel. Mais l’enfant n’est pas attentif à ce qu’il a dans son assiette, il va avoir tendance à manger plus que les quantités recommandées. Il existe un risque de surpoids.

  • Une fonction de découverte gustative

Pendant les repas familiaux, en regardant les assiettes des autres membres de la famille, le tout-petit développe la variété de ses aliments. C’est ce qu’on appelle le panel alimentaire. Il va réclamer un morceau de pain, un petit bout de fromage, un haricot vert, une frite. Il va élargir peu à peu ce panel en diversifiant ce qu’il mange aussi bien en quantité d’aliments qu’en textures (des purées aux morceaux). Cela lui permettra ensuite de manger en société, d’abord chez une nounou ou à la crèche puis à la cantine.

La télévision va fortement gêner ces découvertes car l’enfant ne va pas regarder ce qui se passe à table et aura de moins en moins d’intérêt pour les aliments.

  • Une fonction de communication

Les repas partagés sont l’occasion de discussions, même si l’enfant est seul avec un parent. Pour le tout-petit, le parent commente le plat proposé, les réactions de son enfant. Avec des enfants plus grands, le repas est un moment privilégié où chacun peut raconter sa journée d’école, un vécu particulier (le cours de sport, un anniversaire, un jeu), proposer une idée où chacun peut donner son opinion. Il peut entraîner des émotions variées (rires ou tensions). 

C’est un espace majeur de développement de la communication et du langage chez l’enfant. Les écrans vont venir empêcher ces moments précieux car l’enfant ne participe pas aux discussions. Une récente étude (ELFE Inserm septembre 2023) montre un retard de communication chez les enfants de 2 ans qui mangent devant la télévision en famille. A 2 ans, un enfant est capable de faire des petites phrases en utilisant en moyenne 300 mots et 500 mots à partir de 30 mois.

  • Une fonction de relation

Les repas sont l’occasion d’interactions entre les différents membres d’une famille. C’est à cette occasion qu’une certaine complicité se crée. Des confidences sont faites et des liens se tissent au fil des jours. On peut parler de choses qui fâchent, de choses qui rassemblent. On peut essayer de régler les problèmes et profiter du repas pour organiser des événements familiaux (anniversaire de mémé Ginette).

La télévision coupe les liens car elle empêche les échanges et les regards vers les autres membres de la famille.
Un repas sans télé permet de se nourrir, de découvrir les aliments, de communiquer et de créer des liens avec les membres de la famille. 

Les écrans et le cerveau de l’enfant

  • Pourquoi l’enfant (et l’adulte) aime regarder un écran ?

Lorsque nous regardons un film, que nous jouons à un jeu vidéo ou que nous allons sur internet, notre cerveau sécrète une hormone, la Dopamine. Nous ressentons alors une satisfaction, un plaisir qui nous incitent à recommencer. Si la pratique devient trop fréquente, l’enfant ou l’adulte peut développer une addiction aux écrans, c’est-à-dire une pratique dont il ne pourra plus se passer.

  • Les écrans et le développement du cerveau

Les études montrent que l’utilisation excessive d’écrans entraîne une modification du fonctionnement du cerveau et une mémoire moins performante. Le développement du langage, les capacités de concentration et les apprentissages sont également perturbés. L’enfant qui regarde trop d’écrans aura tendance à moins bouger, à faire moins de sport et à moins dormir. À chaque moment libre, il aura envie d’allumer la télévision ou l’ordinateur plutôt que d’aller jouer avec ses amis. Cette envie peut rapidement devenir une addiction. Sa santé physique, sociale et mentale sera fortement perturbée.

Recommandations

Les autorités et instances de santé recommandent de ne pas montrer du tout d’écran (téléphone compris) aux enfants de moins de 3 ans. À partir de 3 ans, il ne faut pas laisser l’enfant seul devant l’écran mais discuter avec lui des images.

La règle des 4 PAS (S. Duflo) va permettre de cadrer l’utilisation des écrans :

  • PAS d’écran le matin pour favoriser l’attention et la concentration.
  • PAS d’écran avant de dormir pour aider l’endormissement.
  • PAS d’écran dans la chambre pour augmenter les jeux de manipulation, les jeux de société, l’utilisation des livres. Laisser l’enfant s’ennuyer lui permet de développer sa créativité : dessiner, construire une cabane, bricoler.
  • PAS d’écran durant les repas pour favoriser les échanges et la communication.

Télévision et difficultés alimentaires

Dans le développement alimentaire de l’enfant, certaines périodes peuvent être compliquées : découverte de nouveaux goûts, de nouvelles textures (purées puis morceaux), de nouvelles couleurs. L’enfant peut se mettre à refuser ce qui lui est proposé. Des tensions et des angoisses peuvent apparaître à table. Les parents cherchent alors comment lui faire accepter ces nouveaux aliments pour diversifier son alimentation. Ils sortent des jouets, des livres, font l’avion avec la cuillère. Toutes ces ruses ont un point commun, détourner l’attention de l’enfant, changer de sujet afin que les aliments soient mangés. Parfois, c’est la télévision qui est choisie.

La télévision a effectivement un fort pouvoir pour couper l’enfant de la réalité. Il mange mécaniquement, sans s’en rendre compte.

La néophobie alimentaire

Pour manger, l’enfant sollicite tous ses sens : le goût évidemment mais aussi beaucoup l’odorat, la vue (couleurs, aspect de l’aliment) et le toucher. Lorsqu’on lui présente des  nouveaux aliments, l’enfant peut être méfiant. À partir de 2 ans et jusqu’à environ 7-8 ans (parfois un peu plus), tous les enfants ont peur de l’aliment nouveau : c’est la néophobie alimentaire. L’enfant se replie alors sur ses aliments conforts (viande, féculents, sucreries). Ce sont souvent les légumes et les fruits qui sont mis de côté. Le panel alimentaire risque de beaucoup se réduire si les parents ne font rien.

La télévision est-elle une solution ?

Après avoir testé de nombreuses stratégies, les parents choisissent la télévision. En effet, la télévision vient perturber les sens qui analysent les aliments proposés. La vue est occupée, le goût, l’odorat et le toucher sont comme endormis par l’intérêt des images. Cela explique pourquoi un enfant semble mieux manger devant la télévision.
Malgré tout, la télévision entraîne une augmentation du temps de repas car l’enfant peut oublier de continuer de manger et le fera sur rappel de ses parents.

La télévision ne permet pas d’intégrer de nouveaux aliments au panel de l’enfant. Il les mange mécaniquement, sans les analyser, sans les sentir dans sa bouche. Lorsqu’il les retrouve à la crèche ou à la cantine, c’est comme s’il ne les avait jamais vus. Il reste donc méfiant.
La télévision ne permet pas à l’enfant de parler avec ses parents au moment des repas. 

La télévision empêche le développement de l’alimentation et du langage de l’enfant.

Comment faire si mon enfant ne peut pas faire autrement ?

Pour faire disparaître la télévision du repas, il faut y aller progressivement.
Dans un premier temps, l’objectif est de la faire disparaître sur un temps court. Par exemple, demander à l’enfant de manger son entrée sans télé, puis le reste avec télé. Les temps sans télévision seront l’occasion de discussions, de moments chaleureux pour montrer à l’enfant qu’on peut passer un bon moment sans télévision. 
On augmente ensuite le temps sans écran pour aller vers la télévision «récompense», par exemple, un petit dessin animé lorsque le repas est terminé.

En cas de difficultés :

Si l’enfant n’a pas de difficulté alimentaire et mange devant un écran par habitude, il est important de modifier le cadre de manière progressive comme décrit ci-dessus.

Si les écrans ont été mis en place à cause de difficultés alimentaires résistantes, les parents peuvent en parler à leur médecin. Il ne faut rien modifier si cela permet à l’enfant de manger. Par contre, en cas de volonté de changement, ils feront appel à un orthophoniste.

Le médecin traitant orientera vers un bilan orthophonique. Ce bilan fera le point sur l’histoire alimentaire de l’enfant et sur la situation actuelle. Il permettra d’identifier ou non un trouble alimentaire pédiatrique (appelé aussi trouble d’oralité alimentaire) et si besoin, de proposer des séances de soin afin d’accompagner l’enfant et ses parents sur les difficultés identifiées.

Lorsque l’enfant mange devant la télévision, il semble bien mieux manger car il est coupé du contenu de son assiette et enchaîne les bouchées mécaniquement, sans même sentir ce qu’il a en bouche. Cela semble magique. Mais manger, ce n’est pas seulement avaler. L’enfant a besoin de regarder, sentir, toucher, discuter de ce qu’il a dans son assiette pour construire son panel alimentaire. Ce panel lui sera utile pour être à l’aise dans tous ses repas : à la crèche, à la cantine ou ailleurs. Le repas est aussi un temps social et relationnel très important.
Pendant les repas, la télévision perturbe et parasite toutes les facettes du développement de l’enfant.