Lorsque nous mangeons, notre repas commence bien avant la mise en bouche. En effet, nous avons peut-être préparé ce repas, nous l’avons fait cuire ou réchauffé. Si nous mangeons au restaurant, nous avons été séduit par un plat dans le menu, nous avons jeté un œil à l’assiette du voisin. Nous avons donc imaginé, vu, senti, et peut-être touché pour enfin goûter et manger !
Nous n’avons pas conscience de l’importance de cette étape sensorielle qui prépare notre système digestif à accueillir les aliments qui seront mangés. Cette étape majeure s’appelle l’étape de préparation.

Première étape de la chaine physiologique alimentaire : la préparation sensorielle

Avant la mise en bouche, tous les sens sont en éveil : l’audition, l’olfaction, la vue, le toucher…le goût arrivera à l’étape suivante !
Cette première étape est très importante car elle permet la production de salive (salivation) qui aidera au mélange des aliments en bouche et une pré-digestion de certains sucres (glucides). Elle entraîne également la mise en route de l’ensemble des organes de la digestion avec un démarrage des mouvements d’ondulation du tube digestif (œsophage) et une ouverture du passage vers l’estomac.
La main qui porte à la bouche, les yeux qui voient l’aliment arriver participent aussi à préparer le cerveau à activer le système digestif.
Les contextes des repas vont également être importants : apéritif entre amis, repas de fêtes, repas à l’extérieur, sur la table du salon, goûter dînette, pique nique dans le jardin ou dans un parc. En effet, cette étape est importante pour faire exister l’envie de manger, le plaisir de se mettre à table.

Deuxième étape : l’ingestion

Une fois la préparation sensorielle faite, nous mettons en bouche l’aliment. C’est l’étape d’ingestion. Les dents vont écraser l’aliment grâce aux mouvements de la langue qui permettent de le placer au bon endroit (mastication). Ces mouvements continus vont également permettre de mélanger l’aliment à la salive pour le faire glisser et commencer la digestion des glucides. L’aliment ainsi écrasé et lubrifié (bol alimentaire) est maintenant prêt à être avalé (déglutition) et à passer dans l’œsophage.

Troisième étape : les digestions

Une fois le bol alimentaire arrivé dans l’estomac, il va être mélangé aux sucs gastriques grâce aux contractions de l’estomac. Le bol alimentaire va peu à peu être transformé en nutriments qui seront ensuite absorbés et transformés en énergie. L’estomac a donc une action mécanique par ses mouvements de brassage et chimique par la sécrétion de sucs gastriques. Cette phase dure de 3 à 7 heures.
Une fois les aliments transformés, une autre digestion commence dans les voies intestinales. D’autres organes y participent : le foie, la vésicule biliaire, le pancréas. C’est pourquoi nous parlons DES digestions car la phase est complexe.

Les 3 étapes de la chaîne physiologique alimentaire sont étroitement liées, comme un « effet domino ». L’étape de préparation sensorielle « prépare » la bouche et les systèmes digestifs pour accueillir les aliments.

Quand les repas sont compliqués, que faire ?

Forcer l’enfant ? Dans le développement alimentaire de l’enfant, il est possible que certaines périodes soient plus compliquées que d’autres : le passage à la cuillère, le passage aux morceaux, la présentation de nouveaux aliments. Le parent va alors utiliser différentes stratégies car son objectif est bien que son enfant mange pour grandir et être en bonne santé. Le risque est de se fixer uniquement sur la mise en bouche des aliments en donnant des ordres : « goûte » ! « mange » !. Mais cela a souvent l’effet inverse.
En effet, si l’enfant est dans une période alimentaire compliquée, c’est justement la mise en bouche qui lui est difficile à faire. L’obliger à mettre un aliment en bouche, le forcer, laissera une mauvaise impression à l’enfant et l’ambiance des repas risque de se dégrader.
L’objectif va être de donner envie à l’enfant, de le rassurer, en agissant sur la phase de préparation et non sur l’ingestion qui est difficile.

Quelles stratégies utiliser ?

Le but va être de mettre l’enfant dans un contexte favorable avant le repas.
On peut lui proposer de participer à la préparation du repas, selon son âge. Le tout petit pourra simplement regarder l’adulte, toucher certains aliments, certaines pelures, sentir. Le plus grand pourra couper, mélanger, répartir, sentir. Même si on n’a pas toujours le temps de faire un atelier cuisine en tant que tel, faire simplement tenir la spatule de cuisson à l’enfant pour retourner les aliments (en toute sécurité), lui faire mettre un peu de sel et de poivre, lui faire sentir ce qui cuit…c’est déjà faire exister son étape de préparation ! C’est parfois lors de ces moments moins formels que l’enfant a envie de goûter sans qu’on lui demande.

D’autres bénéfices à cette étape sont réels. Cela créée des moments de convivialité, responsabilise l’enfant sur des tâches simples, favorise le développement du langage autour de la situation de repas.
Quand on a plus de temps, la création d’une jolie assiette est un moyen aussi de favoriser l’envie et la salivation. Une purée avec des yeux, un nez et une bouche est toujours meilleure qu’une simple purée ! On peut aussi demander à l’enfant de représenter quelque chose dans son assiette. Par exemple, avec des crudités ou des fruits, il peut créer un bonhomme, un paysage. Chaque personne de la famille peut inventer quelque chose que les autres doivent deviner.
Tout est possible pour mettre les sens en éveil et donner envie de goûter sans même le demander à l’enfant !

Et si malgré tout :

  • Si malgré des essais, l’enfant est réticent à manger des aliments nouveaux
  • S’il a une alimentation qui reste peu variée
  • S’il n’a toujours pas de plaisir à manger malgré les stratégies décrites et répétées
  • Si les repas en collectivité sont difficiles voire impossibles
  • Si les repas à la maison sont source d’angoisse,
  • Si les repas sont très longs (supérieurs à 30 min).

Le médecin traitant jugera de l’intérêt d’orienter vers un bilan orthophonique. Ce bilan fera le point sur l’histoire alimentaire de l’enfant et sur la situation alimentaire actuelle. Il permettra d’identifier ou non un trouble alimentaire pédiatrique (appelé aussi trouble d’oralité alimentaire) et si besoin de proposer des séances de soin afin d’accompagner l’enfant et ses parents sur les difficultés identifiées.

Pour conclure, la phase de préparation est à faire exister dans le moment de repas de l’enfant pour favoriser et préparer l’étape suivante de mise en bouche des aliments. Cette préparation peut être simple (sentir, toucher) ou plus élaborée (présentation des assiettes) selon le temps disponible mais le but est de déclencher la salivation, étape importante de pré-digestion et de donner envie en rendant le repas chaleureux et plus amusant pour l’enfant.