Myriam commence sa journée comme d’habitude. Tout bascule lorsqu’elle laisse tomber sa tasse de café. Incapable de répondre à son mari, elle est transportée d’urgence à l’hôpital le plus proche en service d’Unité Neuro Vasculaire Soins Intensifs (UNV-SI). Le diagnostic tombe : AVC ischémique et aphasie non fluente. Le cas de Myriam n’est pas isolé. Chaque année, en France, 150 000 personnes sont touchées par un AVC.
1 % des AVC concernent des nouveaux nés, des enfants ou des adolescents, soit entre 500 et 1 000 cas par an en France. Le risque d’AVC augmente fortement avec l’âge. Compte tenu de l’allongement de la durée de vie, le nombre de personnes atteintes est en augmentation.
Myriam a fait un AVC ischémique, elle ne peut plus s’exprimer, seuls quelques mots peuvent être prononcés.

Elle peut montrer ce dont elle a besoin, elle comprend ce qu’on lui dit mais son langage est très réduit. On dit qu’elle présente une aphasie non fluente. Son entourage s’inquiète : comment vont-ils pouvoir communiquer avec elle ?

Qu’est ce que l’aphasie ?

Il s’agit d’une lésion cérébrale, le plus souvent du côté gauche, la zone du langage, qui provoque un trouble du langage.
Les répercussions sont différentes selon la localisation dans le cerveau, la taille de la lésion et en fonction des individus. On distingue les aphasies fluentes (phrases de 4 à 7 mots) et les aphasies non-fluentes (moins de 4 mots à ne prononce aucun son, mutique).  

L’aphasie fluente se caractérise par une facilité à produire de la parole et des phrases. Toutefois, le sens de ce qui est communiqué est atteint et la compréhension du langage est souvent déficitaire. La personne ne comprend pas tout et les mots qu’elle utilise ne sont pas toujours adaptés (quand elle demande le sel, son cerveau sélectionne le mot «salade», elle dit  : «passe-moi la salade»).

La capacité à comprendre le langage est souvent mieux préservée que celle à le produire dans les aphasies non-fluentes. Elle comprend mieux qu’elle ne parle.

Tous les versants de la communication peuvent être touchés : compréhension et expression orale et/ou écrite, cognition mathématique, mélodie de la voix. La personne aphasique a des difficultés à exprimer sa pensée, cherche ses mots, les transforme, dit un mot à la place d’un autre.

L’aphasie n’est pas une atteinte intellectuelle, une difficulté à entendre ou une maladie.
C’est l’orthophoniste qui évalue et prend en soins ces troubles du langage. 

Par quoi commencer ?

Lors de la phase aiguë, son mari Jacques lui ramène ses appareils auditifs. Il lui parle, lui apporte de la musique qu’elle aime. Ils jouent à des jeux qui ne nécessitent pas de parler comme le mikado, les dominos ou regardent des photos.

Au fil des jours, elle arrive à vocaliser des sons, à prononcer des mots, mais pas toujours de manière adaptée. Elle peut les dire de manière automatique. Elle peut réciter les nombres de 1 à 5, dire « bonjour » lorsqu’on rentre dans sa chambre, finir une phrase que l’on commence ou chanter une comptine.

Mais lorsqu’elle souhaite parler ou répondre à une question, elle n’arrive pas à prononcer de mot, à formuler une réponse orale correcte. C’est ce qu’on appelle la dissociation automatico-volontaire. C’est fréquent dans des aphasies.

Pour l’aider à communiquer efficacement :

Pour se faire comprendre du patient, quelques conseils peuvent aider : 

  • Adapter le ton de sa voix (ne pas crier) 
  • Adapter son intonation (faire des pauses et parler calmement)
  • Parler lentement
  • Utiliser des phrases simples
  • Formuler à nouveau  : dire avec d’autres mots la même idée pour améliorer la compréhension du patient
  • Vérifier sa compréhension (éviter l’interprétation) « As-tu compris? »
  • Utiliser les gestes : pour confirmer la validité du « oui » et « non » chez le patient, on va lui demander d’associer un geste pour oui et un geste pour non. Hocher la tête pour oui, fermer les yeux pour non, ou bien ouvrir la main pour oui et fermer la main pour non. On peut aussi utiliser les mots écrits ou les images s’il peut montrer du doigt.
  • Valider le « oui/non » avec un code partagé en posant de questions fermées simples : es-tu une femme ? Es-tu un homme ? Portes-tu des lunettes ? Es-tu rousse ? Quand le code fonctionne, tout le monde l’utilise pour communiquer avec le patient.

La compréhension dépend du contexte et de la longueur des phrases. Myriam peut comprendre des phrases simples mais elle peut avoir du mal à comprendre des phrases trop longues ou des explications hors contexte. Il faut rester attentif à la complexité de nos propos, au vocabulaire utilisé et vérifier qu’elle a compris ou pas.

Son entourage peut-être attentif aux réactions de Myriam en faisant attention :

  • D’obtenir son attention
  • De garder le contact visuel
  • Lui laisser du temps pour intégrer le message et lui laisser du temps pour répondre
  • Quand Myriam répète le même bout de phrase/syllabes/mot (stéréotypies) et qu’elle n’en a pas conscience, Jacques doit l’arrêter gentiment en lui disant « attention stop ! » Il doit lui dire « chut ! Les mots se mélangent, fais une pause pour ton cerveau.»

Jacques rencontre régulièrement l’orthophoniste de Myriam, qui l’aide à s’adapter à cette nouvelle communication. Il s’inquiète de cette situation et se demande combien de temps cela va durer. Il est difficile de prédire précisément les progrès de Myriam en expression et en compréhension. Plus les difficultés langagières sont identifiées tôt, plus tôt une rééducation pertinente est proposée.

La rééducation orthophonique

Myriam a bénéficié, à son arrivée à l’hôpital, d’une fibrinolyse. C’est un traitement visant à dissoudre le caillot de sang responsable de l’accident vasculaire cérébral (AVC). Il est proposé dans les 4 heures suivant l’apparition des symptômes. Ce soin d’urgence favorise une meilleure récupération.

Myriam a progressé dans sa compréhension et la possibilité de réaliser des consignes. La compréhension favorise une meilleure rééducation. Sa récupération se fait progressivement les 6 premiers mois après l’AVC.

La rééducation orthophonique vise à augmenter les compétences communicationnelles du patient et de son entourage. Myriam voit une orthophoniste en neurologie, elle poursuit sa rééducation en service médical de réadaptation. Le relais thérapeutique pourra se faire en libéral ou en hôpital de jour à son retour à domicile. Avec le temps, la patience et le soutien de ses proches, des progrès significatifs sont possibles.