Les renforçateurs, qu’est-ce-c’est ?

Quand on parle de renforçateurs, on évoque en général des outils concrets permettant de valoriser un effort et d’accompagner une progression. Il s’agit, d’une certaine manière, de rendre visibles les comportements positifs, en utilisant quelque chose d’agréable qui va donner envie de recommencer.
Certains parents l’utilisent spontanément dans la vie familiale pour valoriser quelques comportements. C’est un outil puissant souvent utilisé par les orthophonistes.

Punir ou féliciter ? On vous aide à trouver des solutions

Pour aider quelqu’un à progresser dans tous les domaines de la vie, on a longtemps cru que le menacer ou le punir était efficace. « Si tu ne te brosses pas les dents, tu seras privé de dessin animé » « si tu ne travailles pas bien, tu n’iras pas voir les copains » « si tu n’es pas sage, tu n’auras pas de bonbon».
Effectivement, cela pourrait parfois fonctionner, mais à quel prix ? Instauration d’un climat de crainte et de tension, dévalorisation de l’enfant, sentiment de culpabilité du parent, bref, on en retire surtout du négatif à long terme, même si cela paraît profitable sur le moment.

Une autre façon de voir les choses est de renforcer les comportements positifs : en notant et en valorisant une action, on a plus de chance qu’elle se reproduise. C’est le principe même des renforçateurs. Si une personne fait quelque chose de bien, il est très efficace de le lui faire remarquer pour ancrer ce comportement positif et le voir se répéter par la suite. On retrouve ici le système des bons points qui existait autrefois dans les écoles. Un bon comportement = un bon point, dix bons points = une image.

Dans notre vie quotidienne d’adultes, nous fonctionnons aussi, sans le remarquer, avec des renforçateurs : quand on me félicite pour la pâtisserie que j’ai faite, j’ai envie de la cuisiner à nouveau. Si mon patron me complimente pour une tâche que j’ai accomplie, j’aurai tendance à vouloir persévérer dans cette voie. Quand je me dis qu’après une heure de ménage je m’offre un thé réconfortant, j’utilise le renforcement positif qui me donne du courage.

Dans quels cas peut-on utiliser un renforçateur en orthophonie ?

De nombreuses prises en soins en orthophonie peuvent bénéficier de l’utilisation de renforçateurs. En oralité alimentaire, dans les difficultés de langage et de communication, lors des rééducations des fonctions oro-faciales, il y a des comportements positifs à acquérir et à automatiser…et donc des renforçateurs à mettre en place.

Quand l’enfant est valorisé à la suite d’un comportement adapté, il a envie de reproduire ce qu’il a si bien fait. Bien sûr, l’utilisation des renforçateurs ne s’arrête pas à la fin de la séance. Au contraire, l’orthophoniste peut accompagner les parents à mettre en place ces gratifications à la maison, pour aider l’enfant à s’approprier de nouvelles compétences. Il faut du temps pour ancrer un comportement positif et la répétition est la clé de la réussite.

Mais ça veut dire qu’on doit donner un cadeau à chaque fois que l’enfant fait ce qu’on attend de lui ?
Non et heureusement ! Le renforcement positif doit être utilisé de façon précise : on définit ensemble le défi, on prévoit la gratification, on s’y tient, et…on recommence !
Il est important de rester mesuré dans les propositions, sinon, l’enfant peut rapidement faire monter les enchères et demander un week-end à Disneyland pour chaque progrès accompli. Le but n’est pas de ruiner les parents et de monnayer tous les efforts, mais d’apporter du plaisir à l’enfant qui a fourni un travail spécifique. Cette expérience positive lui donne envie de recommencer, bien plus que la menace de la punition s’il ne s’exécute pas.

Le renforcement se pratique avec des récompenses de plusieurs sortes

On peut prévoir par exemple :

  • Des renforçateurs sensoriels : un objet lumineux ou coloré que l’enfant apprécie, une jolie musique, une odeur agréable que l’on va sentir ensemble
  • Un aliment aimé par l’enfant, une petite douceur à grignoter à la fin du repas
  • Un objet intermédiaire comme des gommettes, des autocollants, des jetons, qui pourront, quand on les cumule, donner lieu à une gratification plus importante (10 jetons = un petit cadeau, défini à l’avance, toujours raisonnable)
  • Un tout petit bocal de confiture qu’on remplit de billes à chaque objectif atteint. Et à la fin, surprise !
  • Un moment de complicité vécu avec papa ou maman : lire une histoire, jouer ensemble, partager une activité créative, aller au parc plus longtemps que prévu, quel beau cadeau pour un enfant !

Inutile d’aller dans la surenchère, mieux vaut être créatif. L’important est de définir le renforçateur en fonction de la difficulté du défi à réaliser, sans se précipiter dans une boutique de jouets. Sinon, on ne s’en sort pas ! Les compliments, les câlins, tout cela fait aussi partie du renforcement qui donne envie de reproduire un comportement. Quand je réalise une action qui est remarquée et qui m’apporte un résultat positif immédiat, j’ai envie de la refaire.

NB : les renforçateurs existent aussi pour les adolescents et les adultes. Proposer un jeu en ligne après avoir (enfin !) rangé sa chambre, prévoir une activité agréable avec notre grand qui peine habituellement à se mettre au travail, s’offrir une petite heure de lecture au soleil, un carré de chocolat ou l’écoute de notre musique préférée parce que l’on a accompli une tâche difficile nous motive à tenter à nouveau l’expérience. Une petite récompense sur mesure ! On peut donc aussi y réfléchir pour les rééducations orthophoniques des adolescents et des adultes, à partir du moment où il y a des tâches à répéter ou des défis à réaliser.

Comment s’utilisent concrètement les renforçateurs ?

Prenons un exemple de renforcement positif, mis en place lors d’une rééducation de fonctions oro-faciales : Justine a 3 ans, elle doit arrêter de sucer sa tétine et c’est très difficile pour elle. Accompagnés par son orthophoniste, ses parents vont mettre en place le renforcement positif à la maison.

  1. Ils décident l’action qui doit être valorisée : ici, c’est le fait de laisser la tétine dans un placard jusqu’à l’heure du coucher.
  2. Ils choisissent le renforçateur que va apprécier Justine : elle aime beaucoup les autocollants à paillettes, ce sera donc cet objet de gratification
  3. Ils rappellent à Justine le défi du jour « aujourd’hui, on va laisser la tétine dans le placard. Ce soir, quand tu auras réussi, tu colleras un autocollant de félicitations sur le tableau donné par ton orthophoniste».
  4. Au moment du coucher, le défi a été réalisé : il ne faut pas oublier de féliciter Justine et de lui donner l’autocollant ! “Tu peux être fière de toi ! Bravo ma puce !” Justine colle la gommette sur un support choisi ensemble.
  5. Le lendemain, la consigne est redonnée, et Justine peut encore choisir et placer son sticker. C’est important que le défi soit répété.
  6. Au bout de quelques jours, les parents et Justine reviennent chez l’orthophoniste avec le tableau rempli d’autocollants. Quelle fierté de visualiser l’implication de Justine !

Il ne faut pas hésiter à avoir des renforçateurs différents en fonction des tâches demandées à l’enfant. Plus la montagne est haute à gravir, plus la gratification doit être intéressante. Changer de renforçateur permet aussi de maintenir l’intérêt de la motivation. L’immédiateté du renforçateur est importante. Si on oublie de valoriser, l’enfant se démotive.

Dans le cas d’un trouble alimentaire pédiatrique par exemple, si Paul, 2 ans, déteste particulièrement les légumes verts et n’apprécie pas beaucoup les fruits crus, il peut être intéressant de définir avec lui les objectifs, les gratifications et de prévoir des variations. « Dès que tu as fait un bisou sur le haricot vert, tu mets une gommette. Quand tu croques un morceau de pomme, tu en mets une aussi ». Avec 5 gommettes, c’est parti pour un tour de balançoire au parc ! « Quand tu manges un morceau de brocoli, on prévoit un petit cache-cache après le dîner ». C’est sympa de faire ça ensemble ! Si Paul refuse toutes ces propositions, ce n’est pas grave. Inutile de s’attarder sur un possible échec ou de menacer l’enfant (“si tu ne manges pas ta soupe, tu n’auras pas d’histoire ce soir”). On peut au contraire lui rappeler : “aujourd’hui c’était difficile, mais demain nous essaierons à nouveau ! Il y a encore plein d’histoires à lire ensemble !”. Si les parents de Paul ont choisi un bocal de billes, on ne retire pas de billes quand le défi n’a pas été réalisé. On ne peut que rajouter des billes supplémentaires sinon c’est désespérant pour Paul. Enlever une bille sur un effort effectué ne fait pas partie du processus. Une bille gagnée reste dans le bocal.

Dans certains suivis en orthophonie, les renforçateurs peuvent être utilisés et repris à la maison : ils favorisent l’automatisation de nouvelles compétences. Ce n’est pas automatique et jamais magique. Votre orthophoniste est là pour vous accompagner à trouver des stratégies adaptées en évitant la surenchère et le chantage déguisé.
Renforcer permet d’aider l’enfant à reproduire et ancrer des comportements positifs. Il n’est pas question de tout monnayer, mais bien d’accompagner les apprentissages les plus difficiles avec douceur et bienveillance. Ce qui est valorisé, c’est l’effort répété et pas le résultat final. Les renforçateurs peuvent aider à faire émerger une motivation interne, notamment chez les plus grands.
Nous sommes sensibles aux compliments, aux moments de qualité, aux petits présents, aux gratifications en tous genres. Les enfants également ! Savoir qu’une action entraîne immédiatement une valorisation (même minime) est source de progression.