Quand parler devient difficile

Parler, comprendre, trouver ses mots : autant d’actions que nous réalisons automatiquement, sans réfléchir. Pourtant, certaines personnes développent des difficultés à communiquer, alors même que leur mémoire semble intacte. Ces changements apparaissent souvent de manière progressive, au fil des mois. Ils peuvent provoquer de la frustration, de l’inquiétude et un sentiment d’isolement et ses proches ne comprennent pas toujours ce qui se passe.

Ces difficultés peuvent être le signe d’une aphasie primaire progressive (APP). Il s’agit d’un groupe de maladies neuroévolutives rares, qui touchent en priorité le langage. Elles concernent surtout les adultes entre 50 et 75 ans. Contrairement à un accident vasculaire cérébral, les troubles du langage s’installent progressivement, sans événement brutal.

Ils témoignent

« Parfois, je ne comprends plus certains mots. Mon fils m’a demandé d’installer un étau dans son atelier et je ne savais plus ce que c’était alors que je m’en sers souvent. » (Jean, 73 ans)

« Il accroche les mots et parfois il dit un mot à la place d’un autre. L’autre fois, il m’a dit : je vais réparer la mousquetaire à la place de la moustiquaire. » (Claire, épouse d’un patient atteint d’APP)

« Mon mari comprend tout ce que je dis, mais il s’arrête souvent quand il parle, incapable de terminer ses phrases. Il s’en rend compte et cela le frustre énormément. » (Jacqueline, épouse d’un patient atteint d’APP)

Comprendre les différentes formes d’APP

L’aphasie primaire progressive est une maladie neuroévolutive qui atteint les zones du cerveau responsables du langage. Au début, seules les fonctions langagières sont touchées. La mémoire ou l’attention restent généralement préservées pendant plusieurs années.

On distingue trois formes principales :

  • La forme non fluente/agrammatique : la personne parle peu, cherche ses mots, fournit parfois des efforts pour articuler. Les phrases deviennent courtes et parfois difficiles à construire.
  • La forme logopénique : la personne cherche ses mots. Elle a fréquemment la sensation de mot sur le bout de la langue et emploi souvent « truc ». Il lui arrive de déformer certains mots.
  • La forme sémantique : la personne perd peu à peu la signification des mots. Elle décrit ne plus connaître le sens de certains mots. Elle parle de façon fluide, articule bien mais cherche parfois les mots. L’entourage note parfois un changement de caractère.

Ces différentes formes sont liées à des zones cérébrales distinctes, situées principalement dans l’hémisphère gauche, celui du langage.

Le parcours de soins

Lorsqu’une de ces difficultés est observée, le patient consulte son médecin traitant. Il l’adresse ensuite vers un neurologue ou un gériatre. Ces spécialistes peuvent prescrire des examens pour orienter leur diagnostic : imagerie cérébrale (IRM), tests neuropsychologiques et orthophoniques.

L’orthophoniste joue un rôle central dans ce parcours. Son bilan permet d’évaluer le langage oral et écrit, de repérer les forces et les difficultés et de proposer des stratégies pour compenser les pertes. Le diagnostic final repose toujours sur une approche multidisciplinaire, associant médecins, orthophonistes et neuropsychologues.

Mettre un nom sur les difficultés et identifier la cause des troubles du langage aident à mieux comprendre ce qui se passe. Le diagnostic permet d’agir rapidement avec les bons professionnels.

Comment aider au quotidien ?

Même si les mots s’effacent peu à peu, il existe de nombreuses façons de soutenir la communication avec son proche. Chaque petit geste compte pour préserver le lien et la confiance.

  • Laisser le temps à la personne de chercher ses mots, sans la presser.
  • Si vous devinez le mot qu’elle cherche, vous pouvez le proposer doucement.
  • Poser des questions simples pour l’aider : « C’est un objet ? un aliment ? ».
  • Favoriser un environnement calme : éteindre la télévision, réduire les bruits de fond.
  • Utiliser plusieurs canaux de communication : gestes, regard, photos.
  • Encourager toute tentative d’expression, même si les phrases sont incomplètes.
  • En parler aux proches permet de diminuer les malentendus et le stress au quotidien.
  • Maintenir les activités sociales : partager un repas, une promenade, une sortie culturelle.

Ces stratégies simples peuvent réduire la frustration et soutenir la relation de confiance entre la personne et ses proches.

Le rôle de l’orthophoniste

L’orthophoniste est un partenaire essentiel du parcours. Son objectif est de préserver la communication, de renforcer les capacités préservées et de soutenir les aidants.

Après un bilan précis, l’orthophoniste met en place des exercices adaptés à la forme d’APP et aux besoins de la personne. Même si la maladie progresse, le cerveau peut se réorganiser dans une certaine mesure. Quand certaines zones sont fragilisées, d’autres peuvent être entraînées pour prendre le relais.

Des stratégies de communication sont également proposées, comme l’usage de carnets, d’images ou d’outils numériques. L’orthophoniste s’appuie sur les capacités de langage présentes et encourage tous les moyens de communication, y compris non verbaux, comme les gestes.

Les proches bénéficient souvent d’informations ou de guidance. Ils apprennent à comprendre les erreurs de langage et à maintenir un échange serein. Ce travail en partenariat favorise la qualité de vie de tous.

Les aphasies primaires progressives sont des maladies rares qui affectent le langage de manière progressive, sans atteinte immédiate des autres capacités. En parler tôt avec un médecin permet d’obtenir un diagnostic précis et d’accéder à un accompagnement adapté. Grâce à l’orthophonie, la communication peut être préservée plus longtemps et les proches mieux soutenus. Comprendre la maladie, c’est déjà une manière de mieux vivre, ensemble.