J’ai 43 ans et deux enfants, issus de deux unions différentes. J’organise notre quotidien entre deux foyers, ce qui demande une énergie considérable. Pendant plusieurs années, j’ai interrompu ma carrière pour accompagner mon fils aîné, diagnostiqué autiste. En suivant son parcours, j’ai commencé à m’interroger sur moi-même. Petite, on disait que j’étais « originale », un peu dans ma bulle, sensible au bruit et à la lumière. J’ai toujours eu quelques amis, mais les relations sociales me demandaient un effort constant. Un jour, en discutant avec la psychologue du Centre Ressources Autisme de ma région, j’ai compris : je suis, moi aussi, autiste.

Comprendre l’autisme au féminin

L’autisme est un spectre : il existe une grande diversité de manifestations, allant de formes très visibles à d’autres, plus discrètes. Les femmes partagent les caractéristiques fondamentales du trouble du spectre de l’autisme (TSA) :

  • difficultés dans la communication sociale
  • comportements répétitifs ou rigides
  • intérêts restreints et intenses

Mais elles les expriment différemment : leur adaptation aux normes sociales peut masquer leurs particularités, parfois pendant des années. Des études évoquent aussi une possible composante génétique, encore mal comprise.

Masquage et camouflage

Les femmes autistes développent souvent un masquage : elles observent, imitent, préparent des scénarios pour paraître « comme les autres ». Cette stratégie leur permet de s’intégrer, mais au prix d’un effort immense. Ce camouflage retarde souvent le diagnostic et augmente la fatigue, l’anxiété et le sentiment d’épuisement émotionnel. Apprendre à reconnaître et à réduire ce masquage est un enjeu majeur de l’accompagnement.

Relations sociales et communication

Beaucoup de femmes autistes s’expriment avec un langage riche et précis. Pourtant, l’humour, les sous-entendus ou les doubles sens peuvent les dérouter : elles prennent parfois les propos au pied de la lettre. Leur contact visuel peut sembler fuyant ou au contraire trop insistant, ce qui est souvent mal interprété. Les échanges écrits (mails, messages) sont fréquemment plus faciles : ils offrent le temps d’organiser la pensée et de relire avant de répondre.

Intérêts et hypersensibilités

Les centres d’intérêt peuvent être très intenses (littérature, animaux, art, par exemple) mais restent souvent socialement valorisés, ce qui peut masquer leur spécificité. Les hypersensibilités sensorielles sont fréquentes : certains bruits, tissus ou lumières sont vécus comme douloureux. Cela conduit à éviter les supermarchés, les repas bruyants ou les vêtements inconfortables. La fatigue qui en résulte ne disparaît pas toujours avec le repos. Les femmes autistes développent souvent des stratégies d’auto-apaisement : balancements, frottements de mains ou petits gestes discrets. Elles compensent longtemps, souvent plus que les hommes, avant que leur entourage ne remarque leurs difficultés.

Santé mentale et forces associées

Les femmes autistes présentent un risque accru de troubles anxieux, dépressifs ou alimentaires, en partie liés au retard de diagnostic. La Haute Autorité de Santé (HAS) souligne l’importance d’un repérage précoce et d’un accompagnement tout au long de la vie, fondé sur leurs besoins spécifiques. Mais il ne faut pas oublier leurs forces : créativité, rigueur, sensibilité, loyauté, capacité à percevoir les détails et à penser différemment. Ces atouts sont précieux lorsqu’ils sont reconnus et valorisés.

Les apports et les limites du diagnostic

Recevoir un diagnostic d’autisme à l’âge adulte est souvent un tournant. Comprendre que certaines réactions viennent de l’autisme, et non d’un manque de volonté, soulage profondément. Mettre un mot sur ses différences réduit la culpabilité et restaure l’estime de soi. Le diagnostic permet aussi d’accéder à des droits et aménagements : reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), adaptations professionnelles ou soutien administratif. Cependant, il peut aussi être vécu comme une étiquette, une catégorie où l’on ne souhaite pas toujours se voir enfermer. La démarche doit donc rester libre, personnelle et sans pression.

Différentes formes d’aides

Les accompagnements varient selon les besoins et les choix de chacune :

  • Soutien psychologique : thérapies cognitives et comportementales, accompagnement de l’anxiété ou de la gestion émotionnelle
  • Accompagnement social : aide administrative, accès à l’emploi, orientation vers des associations spécialisées
  • Approches corporelles adaptées : yoga, méditation, psychomotricité, en respectant les sensibilités sensorielles
  • Pair-aidance : échanges entre femmes autistes, partage d’expériences et de stratégies concrètes

Le rôle de l’orthophonie

L’orthophonie accompagne les femmes autistes dans le développement de leurs compétences communicationnelles et sociales. L’orthophoniste peut aider à mieux comprendre les implicites et les nuances du langage, à adapter son expression et son intonation, à identifier les situations de surcharge communicative, mais aussi à utiliser des supports visuels (pictogrammes, mots écrits, applications vocales) pour fluidifier les échanges

Ces outils peuvent être utiles même pour des femmes tout à fait oralisantes, notamment en cas de mutisme passager lié au stress. L’objectif est d’améliorer la communication fonctionnelle et la participation sociale, dans le respect du profil et des choix de chacune.
Stratégies et accompagnements complémentaires.

Chaque femme autiste est unique. Les interventions doivent être individualisées, co-construites avec la personne. Les groupes de soutien réduisent l’isolement et favorisent l’estime de soi. Les aménagements scolaires ou professionnels – environnement calme, charge de travail ajustée – ne sont pas accessoires : ils soutiennent la santé mentale et la qualité de vie. Enfin, former l’entourage (famille, collègues, enseignants) est essentiel pour favoriser une société réellement inclusive.

Mieux comprendre les spécificités féminines de l’autisme, c’est réduire les retards diagnostiques et permettre à chaque femme d’accéder à un accompagnement adapté. Les femmes autistes apportent à la société une vision originale, sensible et rigoureuse du monde. En reconnaissant leurs particularités et leurs talents, nous faisons un pas vers une inclusion plus juste et plus humaine.

Ressources utiles

Nous privilégions ici le terme autiste à celui, diagnostic, de Troubles du Spectre de l’Autisme, parce qu’il est actuellement celui qui est le plus utilisé par la communauté des personnes concernées. Nous modifierions cette terminologie inclusive si l’usage venait à changer.