Pourquoi suce-t-on son pouce ?
Dans les premiers mois de vie, le bébé a un important besoin de succion, que ce soit pour se nourrir – succion nutritive- ou en dehors des repas -succion non nutritive. Le bébé a besoin de téter le sein ou le biberon, mais aussi parfois une tétine, son pouce, le doigt de papa ou maman, son doudou. Cela lui permet de réguler ses émotions et il découvre aussi le fonctionnement de sa bouche. Quand un bébé prend spontanément son pouce ou un autre doigt, la plupart du temps ses parents le laissent faire. Il peut ainsi gérer tout seul son besoin d’apaisement -même si cela ne dispense pas papa ou maman de le câliner et, contrairement à la tétine, le pouce ne disparaît pas au fond de la turbulette vers 3h du matin. Le bébé l’a donc à « portée de main » tout le temps. C’est assez pratique et plutôt mignon !
En grandissant, ce besoin de succion diminue. Mais l’habitude, elle, peut perdurer même lorsque la succion n’est plus nécessaire.
Pourquoi faut-il arrêter de sucer son pouce ?
Lors de la succion du pouce ou de la tétine, la langue reste en position basse, qui n’est pas une position physiologique.
En effet, pour permettre une bonne croissance de tout le visage et de la dentition, il faut que la langue puisse aller vers le palais. Si le pouce ou une tétine est plaqué(e) dessus, la langue ne peut pas monter. Durant le temps où le pouce est dans la bouche, la langue ne peut donc pas faire son travail de croissance du massif oro-facial. De plus, en dehors des temps de succion, l’enfant aura tendance à garder une langue en position basse et une respiration par la bouche, ce qui va augmenter le risque d’infections ORL et de malposition dentaire.

Parler avec un pouce ou une tétine, ce n’est pas confortable ! Un enfant qui a tout le temps quelque chose dans la bouche peut avoir un langage qui se développe plus tardivement. Ce n’est pas systématique, mais il arrive qu’une succion intense ou prolongée limite l’accès au langage et impacte négativement l’articulation. Pour le pouce plus spécifiquement, il ne faut pas oublier que, quand le pouce est dans la bouche, cela gêne certaines manipulations. L’enfant peut donc devenir plus passif.
Enfin, certains petits ont les doigts tout abîmés à force de les mettre dans leur bouche, voire même parfois des infections sur le bord de l’ongle.
Vers quel âge faut-il arrêter de sucer son pouce ?
En la matière, le plus tôt est le mieux, qu’il s’agisse du pouce, de la tétine, du doudou ou du biberon.
Évidemment, il faut tenir compte du développement global et affectif de son enfant.
Mais entre 18 et 24 mois, il est vraiment temps de limiter les temps de succion. Et c’est là toute la difficulté du pouce par rapport à la tétine : on peut laisser la tétine dans le lit, la garder pour l’endormissement uniquement et ranger le biberon au placard alors que le pouce, l’enfant l’a toujours avec lui.
Comment accompagner Léna vers l’arrêt de la succion ?
Voici un petit mode d’emploi en plusieurs étapes :
Parents, soyez prêts !
Tout d’abord, il est indispensable que le parent soit convaincu que l’arrêt de la succion est nécessaire pour son enfant. Souvent, papa ou maman regarde son enfant et se dit que sucer son pouce lui fait plaisir, que ce n’est pas bien grave et que c’est mignon. Et bien si un enfant adore ses chaussures à paillettes en taille 20 mais chausse désormais du 22, il ne nous viendrait pas à l’idée de les lui laisser parce que ça lui fait plaisir ! De la même façon, maintenir une succion parce qu’elle apporte un certain confort à l’enfant au détriment de plusieurs compétences, c’est dommage.
Quand on connaît l’importance de respirer par le nez et le rôle de la langue sur cette fonction, on se rend compte que l’impact de la succion est majeur. On a alors envie de laisser la langue bouger en liberté !
Les parents ont d’ailleurs souvent plus de réticence à faire arrêter le pouce que l’enfant lui-même. Ils ont des inquiétudes, craignent de frustrer leur enfant, de déclencher des colères.
Repérez les moments de succion
Pour envisager sereinement l’arrêt de la succion, il faut avoir déjà repéré quand l’enfant suce son pouce. Est-ce juste pour s’endormir ? Ou quand il est un peu fatigué ? En cas de maladie ? Utilise-t-il son pouce à la moindre contrariété ? Dès qu’il monte en voiture ? Quand il s’ennuie ? Devant la télévision ? Avec son doudou. À la maison seulement ou aussi à l’extérieur ? Certains enfants ont le pouce dans la bouche dès qu’ils sont chez eux mais peu à la crèche ou chez la nounou.
Repérez si l’enfant fait des associations
Cette prise de conscience des moments de succion va permettre de cibler l’action des parents. Si par exemple l’enfant suce systématiquement son pouce quand il prend son doudou, il va être nécessaire de retirer le doudou, en tout cas provisoirement. On retrouve cette association chez les adultes, qui souhaitent arrêter de fumer mais ont parfois remarqué qu’à chaque café, ils sortaient une cigarette. Il leur faut alors renoncer provisoirement au café pour accompagner l’arrêt du tabac, les deux habitudes étant étroitement liées. Si, pour Léna, prendre le doudou = mettre le pouce dans la bouche, alors il faut aussi éloigner le doudou pendant quelque temps. L’accompagnement doit être ajusté pour éviter que Léna mette systématiquement un autre objet dans sa bouche à la place du pouce.
Discutez en ensemble
Les parents de Léna vont lui expliquer qu’elle va devoir arrêter de sucer son pouce, parce qu’elle a bien grandi et qu’elle n’en a plus besoin. Il est nécessaire de verbaliser cette étape de la croissance, pour accompagner au mieux son enfant. Nous sommes capables d’expliquer à un jeune enfant certains comportements qui sont dangereux, il est également possible de lui enseigner ceux qui sont néfastes, sans dramatiser pour autant. Pour Léna, le rendez-vous de dentiste est une bonne occasion de montrer comment fonctionne la croissance de la mâchoire et de lui dire que pour avoir de belles dents, capables de bien croquer, de parler et d’avoir un joli sourire, il faut que la langue puisse faire son travail. Si le pouce la bloque, la langue ne peut pas agir !
Les renforçateurs positifs
Commence alors quelque chose de répétitif et un peu pénible pour les parents, le rappel quotidien : quand on voit l’enfant avec son pouce dans la bouche, on lui demande de libérer sa langue, et cela peut arriver…plusieurs dizaines de fois par jour au départ. Il ne s’agit pas alors de gronder son enfant ou de le punir, mais au contraire de valoriser sa progression en lui proposant des petits défis, avec ce que l’on appelle renforçateurs. Par exemple, lorsque Lena regarde un dessin animé, on lui propose de garder son pouce hors de la bouche et on lui donne un autocollant de félicitation à la fin de ce défi (évidemment, on commence par quelques minutes). Cela valorise l’effort qu’elle a fourni et lui donne envie de recommencer ! Même chose lors des trajets en voiture, ou quand elle écoute une histoire. Parfois, il est utile de prévoir une petite gratification au bout de quelques efforts fournis ; l’enfant a besoin de marqueurs concrets de sa progression. Léna sera heureuse d’être valorisée maintenant qu’elle grandit. On dit par exemple qu’à 5 autocollants de félicitations, on fait un petit jeu rien qu’avec elle ! On peut aussi donner un diplôme, une petite médaille de champion quand le défi est réussi. Quelle fierté pour l’enfant !
Il est évident que cette étape est un peu ingrate, le pouce ou la tétine étant souvent un gage de tranquillité pour les parents. C’est à force de répétition que l’habitude de succion se perd et qu’un schéma positif se met en place, il faut de la patience et de la persévérance, mais on y arrive !
Prévenez l’entourage
Il est bien entendu nécessaire de prévenir l’entourage du projet en cours : Papy et mamie, la nounou, la crèche, l’école maternelle. Tout le monde peut être vigilant, sans harceler l’enfant. Chacun peut proposer un petit moment de jeu ou une occupation, et aider l’enfant à verbaliser ses émotions. Si Lena a les mains occupées, elle aura moins envie de mettre son pouce en bouche ! Si elle peut dire son anxiété dans un moment difficile, elle aura moins besoin de la succion pour se rassurer.
Prévoyez les aides extérieures
Parfois une aide extérieure est nécessaire. Il peut tout d’abord s’agir d’une aide matérielle. Certains enfants, malgré une approche bien adaptée à leur âge, ont vraiment du mal à se détourner du pouce qui leur apporte tant de plaisir. Il existe des moyens facilitateurs comme des vernis amers, ou tout simplement la pose d’un petit sparadrap sur le pouce. Cela permet d’attirer l’attention de l’enfant sur un geste qu’il fait machinalement depuis qu’il est né, et cela rend la succion moins agréable donc moins addictive.
Lisez des livres sur le sujet
On peut aussi proposer des livres pour enfants qui parlent du sevrage de la succion. comme “Pouce” de Amélie Graux et Alice Brière-Haquet, “Au dodo petit pouce” de Marie Brignone, “la princesse qui sucait son pouce” de René Gouichoux et Gitte Spee, et bien d’autres encore.
Demandez de l’aide si besoin
Il ne faut pas hésiter à demander l’aide d’un professionnel de santé si le sevrage du pouce est vraiment difficile. Il peut s’agir d’un psychologue si l’enfant est très anxieux, d’un orthophoniste si l’enfant respire toujours par la bouche, a un souci de langage ou d’alimentation, d’un dentiste qui va expliquer le fonctionnement de la bouche, d’un pédiatre qui connaît bien la famille, etc. Un tiers peut être utile pour faire passer le message et accompagner cette nouvelle étape du développement.
Accompagner l’arrêt du pouce est un défi qui inquiète souvent les parents, bien plus que l’enfant. Cette étape est nécessaire pour aider l’enfant à avoir une bonne croissance de tout son visage et à être en meilleure santé. Verbaliser ses inquiétudes, se faire accompagner par un professionnel de santé est parfois utile. Parlez-en à votre médecin.