Luna est un joli bébé de 3 mois, porteuse de trisomie 21 (syndrome de Down). Sa maman l’accompagne aux différents rendez-vous médicaux. Elle a déjà commencé les séances de kinésithérapie mais elle s’interroge sur l’intérêt d’un suivi orthophonique alors que Luna ne parle pas encore.
La prise en soins précoce en orthophonie, que ce soit en cas de trisomie 21 ou d’autre type de handicap, a tout son intérêt. En effet, l’orthophoniste va accompagner l’enfant et sa famille dans différents domaines : communication, alimentation, langage, fonctions de la face, et ce bien avant que l’enfant dise ses premiers mots.
Qu’est-ce que la trisomie 21 ?
La trisomie 21 (syndrome de Down) est une anomalie génétique, dans laquelle on naît avec un chromosome en plus, le chromosome 21. L’enfant trisomique a généralement des signes physiques (yeux bridés par exemple), des signes médicaux -certaines maladies sont plus fréquentes que dans la population générale, comme les troubles cardiaques-, des signes cognitifs et comportementaux comme une déficience intellectuelle et enfin des particularités oro-faciales (de la bouche et du visage), sur laquelle l’orthophoniste va travailler en priorité. Même si l’on retrouve certains points communs chez la majeure partie des trisomiques, n’oublions pas que chaque personne est unique et a ses points forts et ses fragilités.
Comment apprend-on à communiquer ?
Communiquer, c’est transmettre une information à un autre individu. Cela se fait par le regard, la gestuelle, la mimique, avant même l’apparition du langage. Le plus souvent, la communication se fait naturellement avec le bébé qui vient de naître, mais parfois il faut se faire aider. Quand l’orthophoniste rencontre un jeune bébé trisomique et ses parents, c’est pour préparer et optimiser la communication : capter le regard de l’enfant, lui apporter les informations visuelles, sonores et tactiles qui vont l’aider à être en relation, soutenir son attention durant l’échange. Pour certains parents, tout cela est évident, mais parfois une aide extérieure est la bienvenue afin de s’adapter aux besoins spécifiques du bébé trisomique 21. L’orthophoniste, au cours des séances, va expérimenter avec l’enfant et sa famille les moyens de communication les plus adaptés.
Y a-t-il des difficultés de langage chez les trisomiques ?
Généralement, l’apparition du babillage puis du langage est plus tardive chez les enfants trisomiques. De plus, l’articulation est rendue difficile du fait des particularités oro-faciales que nous expliquerons plus loin. C’est ce qui fait que les trisomiques peuvent être plus difficiles à comprendre lorsqu’ils parlent. Le langage « oral » c’est-à-dire le langage parlé peut être accompagné ou parfois remplacé par des gestes et des images (pictogrammes) si nécessaire.
Quelles sont les spécificités oro-faciales de la personne trisomique ?
La trisomie 21 entraîne une hypotonie, c’est-à-dire un tonus plus faible, notamment au niveau de la bouche, de la langue, des joues. Cela peut avoir des répercussions sur l’aspect physique de l’enfant (bouche ouverte, langue qui ressort), sur son langage (difficultés à articuler), sur son alimentation et sur sa respiration. Le fait d’avoir une respiration buccale (par la bouche) entraîne davantage de maladies ORL – du nez, de la bouche et des oreilles. Cela a aussi un impact sur la croissance de la mâchoire.
Un travail très précoce sur les muscles de la bouche, des lèvres, de la langue est donc indispensable pour permettre une bonne croissance de toute cette zone et une utilisation efficace pour parler, manger, bien respirer.
Concrètement, que se passe-t-il en séance d’orthophonie avec un bébé trisomique 21 ?
Les séances vont permettre de travailler sur tous les aspects cités précédemment :
- La communication
- La sphère oro-faciale
- Le langage
Elles se déroulent en présence du papa et/ou de la maman et l’accompagnement parental a toute sa place : l’orthophoniste est là pour répondre aux questions des parents et pour proposer des activités qui vont stimuler la communication, le tonus musculaire. Ces activités seront ensuite reprises à la maison.
Dans les premiers temps, on parle souvent de ce qui peut poser souci à la maison : comment se passent les repas ? Le bébé boit-il facilement son lait ? A-t-il du reflux (des remontées) après les biberons ? L’orthophoniste est là pour accompagner l’allaitement (au sein ou au biberon) puis toutes les étapes de la diversification alimentaire, jusqu’à la mastication des morceaux.
L’orthophoniste et les parents vont apprendre peu à peu à stimuler le bébé pour qu’il communique bien : en se mettant face à son regard, en utilisant des jouets colorés ou musicaux, en notant et en essayant de décoder les essais de communication du bébé : ses sourires, ses pleurs, ses mimiques.
Si le besoin s’en fait sentir, l’orthophoniste peut apprendre à la famille quelques signes de communication (bonjour, merci, encore…) ou utiliser des images (pictogrammes) pour renforcer encore la communication.
Le plus gros travail concerne les muscles de la face et de la bouche. L’orthophoniste propose des jeux, massages, activités qui stimulent toute cette zone. Il peut s’agir de la façon de mettre la cuillère dans la bouche, mais aussi de jeux de souffle, jeux musicaux, bruitages, grimaces. Tout cela va aider l’enfant à avoir un meilleur tonus dans sa bouche, ce qui a une répercussion positive sur l’alimentation, le langage, la respiration, la croissance des mâchoires.
La fréquence des séances dépend de beaucoup de paramètres : disponibilité de la famille en fonction des autres rendez-vous, habitudes de l’orthophoniste, reprise des stimulations à la maison. Classiquement l’enfant est vu une fois par semaine mais on peut espacer ou rapprocher les séances selon les périodes et les besoins, en sachant que cet accompagnement se fait sur du long terme.
La naissance d’un bébé porteur d’un handicap est toujours un choc. Il arrive que les parents soient interrogatifs et parfois découragés quand on leur propose de voir encore un autre professionnel de santé, alors qu’ils ont déjà tant à faire.
La prise en soins orthophonique a pour but d’accompagner l’enfant trisomique et sa famille vers un développement harmonieux des fonctions du visage, de la communication et du langage. Un démarrage précoce est un atout précieux, plus l’enfant est jeune plus le suivi est efficace sur le long terme. Ce suivi nécessite une bonne alliance thérapeutique avec la famille, qui est en première ligne au quotidien. Dans le cabinet de l’orthophoniste, les parents vont pouvoir s’alléger des questions qu’ils se posent et être soutenus tout au long du développement de leur enfant. Un accompagnement psychologique est également possible.