À l’adolescence, les comportements face à l’alimentation sont très variés. Certains adolescents se mettent à «dévorer», comme disent leurs parents. D’autres, au contraire, sont plus réticents et les repas familiaux deviennent compliqués. Il est possible que l’adolescent ait également des difficultés dans d’autres contextes alimentaires comme au restaurant ou à la cantine. Il est important de comprendre ce qui peut se passer et d’aller consulter si les difficultés sont trop angoissantes ou risquent de gêner la croissance de l’adolescent.

Le développement alimentaire

L’alimentation démarre à la naissance, dès la première heure de vie. Cela est possible car elle a été entraînée pendant la grossesse. Lorsque le bébé naît à terme, il va rapidement utiliser sa bouche au sein ou au biberon. Au fur et à mesure des semaines et des mois, le bébé boit de plus en plus de lait. Entre 4 et 6 mois, il passe à la cuillère pour aller vers une alimentation en morceaux. Certains parents font le choix de proposer des morceaux bien cuits dès l’âge de 6 mois, c’est la Diversification Menée par l’Enfant (DME). D’autres parents proposent une diversification plus classique, en donnant d’abord des purées lisses et en intégrant des morceaux à partir de 8-9 mois. Vers 15-18 mois, l’enfant peut manger son repas en morceaux tendres, comme toute la famille. En grandissant, le bébé se constitue une alimentation de plus en plus variée. C’est le panel alimentaire. Mais autour de l’âge de 2 ans, des difficultés peuvent survenir avec l’entrée dans la période de néophobie alimentaire.

La néophobie alimentaire

La néophobie alimentaire est la réticence à goûter et le rejet des aliments inconnus. C’est une période normale du développement de l’enfant. Cette période concernerait 90% des enfants entre 19 et 36 mois. Dans ces 90%, les difficultés sont plus ou moins sévères selon les enfants. Des enfants se mettent à repousser certains aliments et surtout les légumes et les fruits. En effet, leur texture est plus filandreuse et moins stable, c’est-à-dire qu’elle peut changer selon le moment de l’année, la cuisson, la variété. L’enfant développe donc une méfiance face à ces aliments et se réfugie dans une zone de confort avec des aliments bien identifiés, qui changent moins d’aspect (viande, féculents, aliments industriels). Les 10% restants ne montrent aucun signe de difficulté.

Une fois cette période traversée, généralement vers 8-9 ans, les enfants qui avaient restreint leur alimentation deviennent moins méfiants et se mettent à élargir de nouveau leur panel alimentaire. Cela permet une entrée dans l’adolescence en étant à l’aise dans tous les contextes alimentaires. D’autres enfants gardent une alimentation sélective.

Adolescence et alimentation

L’adolescence est une période complexe du développement. Elle associe le début des relations sociales sans les parents et des transformations corporelles importantes. L’alimentation va être au centre de tous ces changements.
Les premiers repas au fast food ou les pique-niques sont des moments où les jeunes se retrouvent. Ils ont donc un vrai rôle dans la construction sociale.
Les changements hormonaux font apparaître des besoins alimentaires différents chez certains jeunes. Une partie des adolescents mangent beaucoup plus. D’autres commencent à développer une forte attention à leur image et se détournent de l’alimentation.

Les parents angoissent souvent au milieu de tous ces changements : «tu ne manges pas assez équilibré», «tu manges trop», «tu ne manges pas assez».
Il est possible que la vie sociale soit perturbée à cause d’un trouble alimentaire. La courbe de poids peut également montrer des signaux d’alerte que ce soit pour une hausse ou une baisse trop importantes. La santé du jeune (fatigue, teint pâle) peut aussi être impactée par des difficultés d’alimentation.

2 types de troubles alimentaires

Le Trouble Alimentaire Pédiatrique (TAP) peut être diagnostiqué dès la toute petite enfance jusqu’à l’adolescence. C’est un trouble qui est repéré tôt dans l’enfance, souvent en lien avec des difficultés sensorielles de la bouche. L’enfant ne supporte pas certaines textures et devient très sélectif. Les mouvements de la bouche (motricité) peuvent également être difficiles à réaliser. Un trouble moteur peut perturber la succion du bébé ou la mastication à partir de 2 ans. Avec ses difficultés sensorielles et/ou motrices, l’enfant développe souvent un comportement de méfiance face aux aliments qui ne font pas partie de son panel alimentaire.

Le trouble de l’alimentation sélective et évitante (ARFID en anglais) est décrit à partir de l’adolescence. Le jeune ou l’adulte a un panel alimentaire réduit à l’extrême en lien avec une hypersensibilité de la bouche. Il peut aussi avoir une peur des vomissements. On peut retrouver une méfiance sur le visuel et l’odeur des aliments. Dans l’ARFID, les répercussions sur l’état médical sont réelles, ce qui n’est pas toujours le cas pour le TAP chez le plus petit. Le jeune peut avoir des carences, une perte de poids conséquente.

Ces troubles alimentaires ne sont pas des Troubles du Comportement Alimentaires (TCA, anorexie, boulimie) reliés à des problèmes de l’image du corps avec une volonté de perdre du poids.
Ils ont des conséquences sur la vie en collectivité et la vie sociale. Certains enfants ne peuvent pas manger à la cantine et des jeunes refusent des repas avec leurs amis, honteux et stressés de ne pas pouvoir manger «comme tout le monde».

Qui consulter ?

Il est important de consulter et de ne pas rester seul avec ses questions, que ce soit pour le parent ou l’adolescent. Il est possible que le parent soit motivé pour aller consulter mais que son adolescent n’ait pas envie de modifier ses habitudes. Il sera parfois nécessaire de «négocier» pour qu’une première démarche soit tout de même réalisée. Le parent peut aussi prendre conseil seul, sans son adolescent, auprès d’un médecin ou d’un psychologue, pour aborder la situation et poser ses questions.

Si le jeune montre une attention particulière à son image corporelle et des habitudes alimentaires perturbées, il est possible de consulter son médecin et/ou un psychologue pour comprendre ce qui se passe.

Si l’alimentation est très réduite sans problème d’image corporelle, le parent et le jeune pourront consulter un médecin puis un orthophoniste qui proposera un bilan pour faire un état des lieux de la situation. Le bilan orthophonique permet de reprendre l’histoire alimentaire de l’adolescent. Le jeune entend alors les difficultés qu’il a pu traverser ce qui lui permet de mieux comprendre sa situation. Il entend également que ce n’est pas de sa faute.
Parfois, l’adolescent ne souhaite pas s’engager sur des séances de soin. Mais le bilan est déjà une première étape de compréhension des difficultés. Le jeune pourra demander à démarrer des séances de soins si la motivation arrive plus tard.

Si l’adolescent est motivé, les séances pourront démarrer à partir d’objectifs qui seront décidés avec lui, en fonction de sa gêne et de ses envies. Il est tout à fait possible de travailler sur un objectif «hamburger» si c’est une souffrance de ne pas pouvoir aller manger au fast food avec ses amis !

Il est également possible d’aller consulter en parallèle des psychologues ou autres praticiens travaillant sur les émotions reliées aux difficultés alimentaires comme l’appréhension des hauts le cœur ou le stress selon les textures. L’objectif est de rendre les réactions émotionnelles plus neutres afin qu’elles n’empêchent pas de manger.

Que faire en attendant la consultation ?

Si une hypersensibilité de la bouche est identifiée, il est bon de mettre en place le brossage de dents électrique. Il devra être fait au moins deux fois par jour, 2 à 3 min en faisant attention de bien aller brosser les molaires et de ne pas rester sur l’avant de la bouche. Les vibrations vont stimuler la bouche, les joues, la langue, les gencives de manière plus intense qu’une brosse à dents manuelle. Si elles sont bien réalisées, elles aideront à apaiser l’hypersensibilité de la bouche.

Il est important de ne pas se mettre en conflit au sujet de l’alimentation. Il est vrai que les parents peuvent être angoissés par la prise de poids. L’essentiel est de rester sur une alimentation plaisir. Le but est de permettre au jeune de dédramatiser certains aliments.

L’objectif est d’inciter le jeune à essayer, à goûter, en toute confiance. Il ne faut pas cacher un aliment par un autre mais le faire exister tout en prévoyant toujours un aliment rassurant. C’est ce qu’on appelle le pairage alimentaire. On utilise donc un «aliment confort» pour intégrer un nouvel aliment. Par exemple, on pourra partir du riz pour ajouter quelques petits pois (riz cantonnais) et aller progressivement vers une quantité plus importante de petits pois.

Si le pairage alimentaire est compliqué, on pourra utiliser le chainage alimentaire. Il part d’un aliment confort pour s’en éloigner peu à peu jusqu’à un aliment cible. Si les légumes sont un objectif, on peut partir d’un aliment confort comme les frites pour aller vers les frites de patates douces puis des frites d’autres légumes. À chaque fois, on met très peu de quantité pour mettre le jeune en réussite face au nouvel aliment (1 frite de légume pour 10 frites aimées puis on augmente).

À l’adolescence, les difficultés alimentaires sont souvent la conséquence d’une sensorialité ou d’une motricité de bouche qui dysfonctionne depuis la petite enfance. L’adolescent n’est pas volontairement difficile à table. Il subit l’hypersensibilité de sa bouche et/ou une motricité réduite. La mise en place de la vie sociale ne permet plus au jeune de s’en sortir avec un panel alimentaire réduit.

Le dialogue est la solution la plus adaptée à l’adolescence. Le jeune se sentira ainsi écouté, compris et en confiance pour tenter de nouvelles expériences alimentaires. Si les difficultés concernent l’image de son corps, une consultation vers un psychologue est à prévoir. Si les difficultés persistent malgré un contexte favorable ou si elles entraînent des angoisses, il est important de consulter un orthophoniste qui fera un bilan. Comprendre l’origine des difficultés est déjà une première étape pour faire évoluer la situation. L’autre étape sera de trouver des stratégies pour que le futur adulte soit à l’aise dans la plupart des situations alimentaires de sa vie.