Vous devenez parents !

Enfin vous venez de recevoir le coup de fil magique tant attendu. Félicitations !
Que votre enfant soit un bébé ou un grand, qu’il soit né en France ou au bout du monde, avec ou sans particularité médicale, c’est vous qui avez été choisis pour être les meilleurs parents dans son intérêt. Cet enfant sera celui avec qui vous allez enfin «faire famille», néo-famille ou famille élargie.

Plus que tout autre parent vous avez pensé, imaginé, préparé mille fois cette rencontre et la vie en famille. Peut-être avez-vous beaucoup lu et fréquenté les réseaux de parents (associations, rencontres d’organismes agréés). Malgré toute la préparation que l’instruction de l’agrément et les multiples rendez-vous ont exigé de vous, c’est maintenant que tout se bouscule et que vous devez accueillir cet enfant en quelques jours, au mieux quelques semaines. C’est avec ce temps-là, fixé par les autorités légales, que vous allez devoir préparer votre rencontre.

La rencontre

Du bout du monde ou né pupille de l’Etat, votre enfant est un bébé ou un enfant de 1 à 3 ans ? Ses besoins sont les mêmes qu’un enfant biologique, mais démultipliés. Même si il a été préparé, il suffit d’imaginer l’intensité de ce que l’on ressent en tant qu’adulte dans une telle situation pour supposer à quel point cette rencontre constituera une « bombe affective » pour votre enfant. Dès la rencontre vous pouvez lui parler car il comprendra les intonations bienveillantes, même si vous ne partagez pas la même langue. Les gestes, le regard et le « parler parents » sont universels. Les jeunes enfants et les bébés comprennent toujours plus que ce que nous imaginons. Le respect de son espace, de son histoire et de ses particularités médicales imposeront bien sûr un rythme qui est celui de votre enfant, et non le vôtre. C’est lui qui vous adoptera.
Le très jeune enfant a déjà acquis un minimum d’autonomie marche, alimentation solide, propreté (même partielle). Il peut éprouver plus de difficultés que le nourrisson, surtout s’ il avait commencé à s’exprimer dans une autre langue. Ne plus être compris du jour au lendemain peut engendrer une grande fragilité et une frustration. Il sera très important de surveiller ses réactions et de s’adapter.

Adopter un enfant plus âgé : la réalité de l’adoption internationale multiplie l’adoption d’enfants de plus de 6 ans, avec ou sans particularités médicales. Bien que l’enfant possède un vécu institutionnel ou de placement plus long qu’un bébé, sa maturité lui confère beaucoup de ressources.

Dans tous les cas de figure (âge, origines….) la rencontre peut se dérouler de mille et une manières : sourires, angoisse, pleurs, rires… Ce sera le jour où vous l’appellerez, pour la première fois, par le prénom que vous avec éventuellement choisi. Ce moment tant attendu sera une nouvelle fois rythmé par l’enfant. Ce moment ne présage pas forcément des relations à venir.

« Faire famille » avant tout

  • S’isoler : vous le savez déjà, ce temps d’isolement d’après la rencontre est primordial. Votre enfant, quel que soit son âge, doit mesurer la particularité de votre relation, vous êtes le ou les parents, et c’est pour la vie ! Et c’est avec vous et personne d’autre. Envers et contre tous vous saurez résister à ceux qui sont impatients de rencontrer votre enfant, ceci afin de vous laisser ce temps essentiel à la construction d’un lien unique.
  • Porter : pour les moins de 3 ans, le portage constitue un outil privilégié pour favoriser la communication et le langage. En portant votre enfant avec une écharpe ou porte-bébé physiologique face à vous, vous limitez toutes les agressions extérieures : verbales, sonores, tactiles, visuelles. Votre lien se renforce et votre enfant puise dans la lecture labiale, l’intonation, les gestes et vos commentaires : «  oh regarde c’est un camion, il est rouge », «  regarde je prends ton assiette et nous allons manger les tomates, elles sont belles, regarde, miam ». Porter son enfant ne retarde pas la marche. Votre enfant se sent au contraire en sécurité, rassuré contre vous et puise tous les bienfaits d’un contact auditif et visuel proche.

Pratiquer le peau à peau permet aussi de renforcer le lien unique, mais tous les enfants ne l’acceptent pas, ou tout au moins pas de suite.

  • Parler, montrer il ne faut pas hésiter à commenter vos actions, associer des gestes, montrer. Les gestes/signes ne retarderont jamais un enfant. Ils doivent cependant s’accompagner de verbalisations : des mots simples comme vous employez avec votre entourage. Il est inutile d’apprendre à parler à un enfant. Ses besoins, vos encouragements, le bonheur de vous rendre fiers en verbalisant, sont les moteurs de son développement langagier. Chez l’enfant adopté, plus que tout autre, le besoin d’être à la hauteur, de susciter votre reconnaissance sont importants et peuvent constituer des moteurs comme des freins à l’épanouissement et aux apprentissages.

Vous serez toujours ceux qui connaissent le mieux votre enfant, ses besoins et en particulier au regard de son histoire. Vous serez donc en mesure de le protéger des adultes et des institutions qui peuvent avoir tendance à s’octroyer des droits et des jugements inadaptés, au seul prétexte que l’enfant adopté serait l’enfant de tous et à problèmes.

Les difficultés d’une famille au quotidien

Votre enfant est là et vous être confrontés aux soucis de tous les parents

  • Sommeil – S’ il est bien une particularité de l’enfant adopté, ce sont bien les troubles du sommeil. S’abandonner au sommeil c’est se projeter dans l’inconnu : «  seront-ils encore là quand je me réveillerai ? ». Au-delà de cette réalité fréquente, il sera important de ne pas laisser passer des signes de troubles fonctionnels : apnées du sommeil, otites séro-muqueuses… le tout lié, par exemple, à de grosses amygdales et végétations. Vous dormirez peut-être aux côtés, voire avec votre enfant selon ses besoins. Vous êtes ses parents et le connaissez mieux que quiconque.

Certains enfants ayant grandi en collectivité, le silence peut les perturber et d’autres présences ou un bruit de fond (radio, musique, bruit blanc) les apaiseront.

  • Alimentation : le changement de régime alimentaire ne perturbera pas un enfant plus de quelques jours. En revanche, l’alimentation chez le nourrisson peut être un vrai révélateur de mal être et d’angoisses de séparations. La peur de ce qui est nouveau est souvent liée à l’âge, tandis que l’hyperphagie (trop manger) se rapproche plus souvent de la crainte de l’enfant de manquer à nouveau, quand il a grandi dans un contexte où l’alimentation était comptée. Si votre enfant montre des difficultés lors du passage aux morceaux, n’hésitez pas à consulter l’orthophoniste pour vous accompagner.
  • Fratrie: votre enfant sera peut-être accueilli dans une famille ou vivent déjà d’autres enfants. C’est une source de bonheur et d’inquiétudes à la fois, pour lui comme pour les autres enfants du foyer. Les doutes sur l’affection portée à chaque membre de la fratrie sont naturels. Dans le cas d’un enfant adopté, la question de la filiation peut susciter d’autres angoisses. Pourtant, la présence d’aînés aidera le développement de la communication et l’intégration : nul besoin de parler la même langue pour jouer.
  • Attachement, et les parents ? Oui et vous ? Et bien vous avez le droit de douter, de pleurer, d’être contrariés et d’avoir besoin aussi de temps pour « faire famille » avec cet enfant. Le coup de foudre n’est pas toujours au rendez-vous de la rencontre. Le temps est parfois nécessaire pour passer d’une longue attente de cœur et son enfant rêvé, à l’enfant présent. La réserve de certains enfants, le retrait de certains bébés paisibles mais peu expressifs peuvent engendrer doutes et incompréhensions chez les parents qui ne doivent pas hésiter à se faire aider. Attendre des années ne prépare pas à devenir parents en un appel et en 8 jours de rencontre.

La langue du cœur est le premier pas

Favoriser les bases du langage chez les bébés sera capital : parler pour qu’il vous parle, s’assurer qu’il entend bien, moduler sa voix, montrer, bruiter, décrire, désigner du doigt, jouer avec son bébé sont des éléments essentiels à sa communication.
Pour les petits de 1 à 3 ans, il sera important de jouer et de reprendre les étapes parfois négligées dans le développement : toucher, jeter, construire, vider, remplir, pousser…. Chez ces enfants, et même chez de plus grands, il n’est pas rare de les voir privilégier des jeux de plus petits : jeux symboliques (faire semblant d’être un papa ou une maman, jouer à la dînette), mais aussi de manipulation (tables d’éveils, jeux bruyants). Laissez-les « régresser » et accompagnez les en jouant avec eux.
La préparation d’un petit cahier de pictos (dessins simplifiés) reprenant les besoins les plus fréquents d’un enfant, les émotions peut vous aider dans les premiers temps. Votre enfant pourra pointer l’image correspondante à son besoin. Il existe des banques de pictos en accès gratuit. https://www.isaac-fr.org/type-outils/pictogrammes/

Attention à la pression  : ne pressez pas votre enfant dans ses acquisitions langagières au risque de décompenser un bégaiement. N’oubliez pas que votre enfant a surtout à cœur de vous rendre heureux. Le faire répéter peut entraîner un repli, voire un mutisme chez des enfants à l’estime de soi tellement fragile.

La santé ? Les bonnes démarches dès que possible

C’est la réalité de l’adoption actuelle. Hormis les bébés pupilles de l’Etat, les enfants adoptés aujourd’hui sont le plus souvent porteurs d’une particularité médicale (voire plusieurs) acceptée par leurs parents avant l’apparentement. Ils peuvent aussi être plus âgés que l’enfant envisagé au début des démarches. Il se passera donc beaucoup d’années avant que l’enfant ait passé autant de temps sans ses parents qu’avec eux.

Le dossier médical de l’enfant et les informations (pas toujours fiables) transmises par le pays d’origine, il sera important de se rendre à la COCA la plus proche du domicile (Consultation d’Orientation et de Conseils pour l’Adoption). La plupart du temps, les parents ont déjà rencontré ces professionnels de santé sensibilisés et formés à l’adoption. Pour tous les enfants, une consultation ORL pour vérifier l’audition sera prioritaire pour évaluer la capacité à s’approprier sa nouvelle langue.

L’école et l’orthophonie tout de suite ?

  • Garde d’enfant et école quand et comment ? Vous seuls saurez en apprenant à connaître votre enfant, quand il sera apte à être confié à un tiers, ou pas. Pour ceux qui accueillent un enfant en âge de scolarisation, il est important d’avoir en tête et de transmettre à l’équipe éducative que l’adoption n’est pas un handicap. Elle n’explique pas tous les comportements de votre enfant, ni ses potentielles difficultés scolaires.
  • L’orthophonie ? Le bilan orthophonique ne donne pas toujours lieu à un suivi. La rééducation orthophonique est un soin et ne peut être envisagée comme soutien scolaire. Seul le bilan permettra de mettre en évidence le besoin de soins, ou non, de votre enfant. Il peut aussi révéler des troubles de l’audition ou de la vue passés inaperçus.
  • Le psycholoque ce n’est pas automatique quand l’on a été adopté ! Mais il est peut être important de faire intervenir un tiers en cas de difficultés avec son enfant. Un espace de parole neutre pour l’enfant, un parent ou la famille peut être nécessaire. Ne le négligez pas.
  • Quand l’amour ne suffit pas  – Votre service adoption mais aussi des associations telles que EFA https://www.adoptionefa.org/ et Pétales France http://petales-france.fr/, pourront vous apporter conseils et soutien.

L’enfant adopté est un enfant comme les autres, ou presque. L’attendre, le rencontrer, l’accueillir et grandir avec lui implique de partir sur de bonnes bases d’échanges, qui ne sont pas toujours naturelles.
Au final, les parents devront poursuivre ce qu’ils savent faire le mieux : s’armer encore et toujours de patience pour établir ce lien particulier.
Favoriser la communication dès les premiers instants de vie en famille constitue un pilier de la construction du lien d’attachement.