Les altérations de l’odorat et du goût liées à l’âge
Jean aimait la bonne chaire et depuis quelques temps, il ne trouve plus de saveurs à ses plats, il perd du poids car il mange moins. Il n’a plus envie de recevoir ni de sortir dîner au restaurant et se sent triste, privé d’un sens qui était pour lui source de plaisir.
En vieillissant, il y a une altération normale de ces sens. On peut ralentir ce signe de vieillissement en stimulant l’odorat et le goût et en adaptant certaines choses dans le quotidien.
Odorat et vieillissement
Lorsque les molécules odorantes sont moins bien perçues par le nez lors de l’inspiration, on parle de presbyosmie. Les arômes des aliments et des boissons sont acheminés par l’arrière gorge jusqu’au nez et permettent d’apprécier ce que l’on met en bouche (le goût c’est 80 % d’odeurs).
Avec l’âge, on perçoit moins intensément les odeurs et on parvient moins bien à les identifier.
Cette presbyosmie est en partie impliquée dans la perte d’appétit et la dénutrition des personnes âgées.
Elle reste sous-estimée dans la mesure où les sujets n’en ont souvent pas conscience avant d’arriver à un stade avancé de la perte olfactive.
La perte d’odorat provoque des troubles de l’humeur, des signes anxio-dépressifs et altère plus ou moins fortement la qualité de vie. Perdre l’odorat c’est perdre les arômes et une grande partie du plaisir dans ce que l’on mange ou boit, mais c’est aussi perdre l’odeur de ses proches, l’odeur des lieux connus et appréciés qui servait parfois de repère. C’est souvent moins de plaisir aux promenades en forêt, dans un jardin fleuri ou sur un marché. Moins d’odeurs, c’est moins d’accès aux souvenirs, moins d’évocations spontanées et de réminiscences inconscientes à partir d’un parfum, d’un arôme, des effluves arrivant à son nez.
Goût et vieillissement
La diminution de la perception des saveurs sucré, salé, acide, amer, s’appelle la presbygueusie.
À partir de 60 ans surviennent fréquemment des perturbations du goût, touchant jusqu’à plus de 80 % des personnes âgées de plus de 80 ans, contre moins de 10 % au-dessous de 50 ans. En cause, une réduction du nombre des bourgeons du goût qui détectent les saveurs sur la langue, une diminution des connections, un ralentissement de la vitesse de renouvellement cellulaire, une possible diminution du flux de salive, des prises de médicaments plus fréquentes.
On peut alors compenser en ajoutant sans s’en rendre compte trop de sel, trop de sucre à son alimentation et prendre le risque de graves problèmes de santé. On peut également perdre le plaisir de s’alimenter et maigrir.
Si les pertes de goût et d’odorat sont partielles, un aménagement du quotidien peut permettre de réduire la presbygueusie et la presbyosmie. Si on observe un effet sur l’appétit, il est essentiel de continuer à stimuler les sens de façon plus diverse et plus étoffée pour les entretenir.
Si des difficultés plus importantes apparaissent ?
La perte importante ou totale de l’odorat : (hyposmie sévère ou anosmie) Une des conséquences est l’absence de détection des dangers : gaz, fumée, brûlé, aliments avariés ne peuvent plus être correctement détectés et/ou identifiés. Les risques d’accidents sont alors réels dans la vie quotidienne. Il est donc primordial d’informer l’entourage d’une personne chez laquelle un trouble olfactif a été diagnostiqué et d’adapter son quotidien à ce déficit : détecteurs de fumée, minuterie pour cuisiner, vérification des aliments et des dates de péremption.
Si les odeurs ne parviennent plus au nez, il faut que le nez aille aux odeurs. Il faut stimuler l’olfaction au quotidien avec les produits de son environnement, en cuisine, au jardin, mais aussi en faisant la lessive, en se lavant les mains ou les cheveux. Sentir souvent, intensément, en se remémorant une scène, un souvenir liés à l’odeur fait fonctionner le circuit olfactif dans le cerveau, celui de la fameuse madeleine de Proust.
La perte importante ou totale du goût : (hypogueusie sévère ou agueusie) il faut varier l’alimentation, jouer sur les textures, les températures, la présentation visuelle, cuisiner avec des herbes aromatiques, des épices, ne pas hésiter à goûter à de nouvelles choses.
Mastiquer plus longtemps les aliments permet la libération des arômes en bouche.
Veiller à une bonne hygiène buccodentaire. Elle va avoir un impact sur la production de salive, la mastication et donc sur la perception des odeurs, des arômes et des saveurs.
Quand s’inquiéter ?
Lorsque soi-même ou l’entourage remarque :
- Une absence de détection de la fumée, du gaz, des aliments avariés, des odeurs fortes
- Une perte de poids
- Une modification de l’alimentation
- Une perte de plaisir et/ou d’appétit lors des repas
- Un repli sur soi lors de sorties nature, de balades au marché, de dîners au restaurant ou chez des amis
- Des difficultés de mémoire et de langage importantes couplées à la perte d’odorat
En cas de doute ou si vous observez un ou plusieurs de ces signes : parlez-en à un médecin généraliste ou un ORL. Il vous orientera vers un orthophoniste.
Pourquoi consulter un orthophoniste ?
Spécialiste de l’oralité alimentaire, de la cognition et du langage, l’orthophoniste peut aider à stimuler l’odorat et le goût pour réenrichir sensoriellement et agir sur les conséquences de cette perte olfacto-gustative.
Il pourra établir un bilan de l’odorat, du goût et questionner sur cette dégradation afin de déterminer si celle-ci est normale. Il pourra proposer des pistes d’aménagements et de stimulations à mettre en place chez soi de manière autonome. Si c’est nécessaire, il proposera une prise en soin orthophonique plus spécifique.
L’orthophoniste sera également en mesure de préconiser des examens complémentaires, surtout si d’autres signes sont associés à la modification de l’olfaction. En effet, une perte d’odorat (perception et identification des odeurs) peut être le premier signe de certaines maladies neuro-évolutives et se manifester parfois des années avant d’autres signes cliniques. Une consultation chez un médecin, (généraliste, ORL et/ou neurologue) pourra alors être proposée.
La perte de goût et d’odorat peut induire des désordres psychologiques chez la personne âgée.
Elle a également un impact sur la diminution d’alerte et de protection, la réminiscence de souvenirs, le plaisir et la convivialité, les échanges sociaux et altère de ce fait la qualité de vie.
C’est également un signe qui peut participer au diagnostic de certaines maladies.
Si ces difficultés vous concernent vous ou l’un de vos proches, parlez-en à un orthophoniste, il pourra vous conseiller, vous orienter, ou vous accompagner pour améliorer le quotidien.